Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
172                   LA REVUE LYONNAISE
contre l'équipage, contre l'inconnu. Cette flotte porte la fortune
d'un monde.
   Enfin il crie : Terre ! terre !
   Il saute sur le rivage, il tombe à genoux, il lève ses mains au
ciel... Son épée reste dans le fourreau; l'étendard de la reine
d'Espagne, la croix, drapeau du Roi des rois, rien autre. Et à quoi
bon davantage.
   Il vogue vers l'Espagne ; avec lui s'est embarquée l'envie, que
tant de gloire transporte de rage.
   L'ingratitude l'oblige, comme naguère l'indifférence, à errer de
ville en ville, seul avec ce fils que Lamartine, par une distraction
inexcusable, flétrit du titre de bâtard. Il a donné vingt Espagnes
à l'Espagne, et il a pour s'abriter un étroit logis ! Il a découvert des
mines d'or et de diamant, et on lui marchande un peu de pain !
   L'histoire d'aucun peuple n'offre un contraste pareil à celui-ci :
Colomb, près de mourir, ne possédant plus qu'un crucifix pour lui
rappeler Dieu, et un trophée de chaînes pour lui rappeler les
hommes, lègue par testament à son pauvre fils, dans une pauvre
« posada » de Valladolid, ses titres de vice-roi des mers et de
grand-amiral des Indes!
   Si du moins le monde révélé par lui portait le nom de son auteur !
A lui la peine, à un autre le profit !
   Dieu ait ouvert son paradis au grand chrétien qui toute sa vie
ahana pour dilater Jésus-Christ et l'Eglise! Et, enfin Rome, siège
de toute justice et source de toute consolation, mette sur les autels
celui qui a aidé Pierre à bien accomplir l'ordre èvangélique :
« Allez ! Enseignez « toutes » les nations ! »




   Suétone ne recule devant aucun détail ; la pudeur ne lui est de
rien; la vérité, quelle qu'elle soit, rien que la vérité, toute la v é -
rité, nue dans l'histoire comme dans la fable ! Ce n'est pas qu'il
soit éhonté, ni indifférent à bien et à mal. Plusieurs l'ont pensé, à
tort ce me semble. Suétone distingue toujours entre ce qui est hon-
nête et ce qui est pervers, seulement il évite de moraliser, et se
contente d'exposer les faits, pour que le lecteur, seul juge, pro-