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                   UN LYONNAIS : FRÉMONT                          575
   Pour traverser cette stérile contrée, on est obligé de s'approvi-
sionner de toutes les choses nécessaires comme pour faire une longue
navigation. Chemin faisant, on espère renouveler ou augmenter ses
provisions en tuant quelque buffles. Mais parfois on se trompe dans
la mesure de ses préparatifs, et parfois aussi on cherche en vain, de
tous côtés, les sauvages quadrupèdes.
    Trois mois après son départ de Saint-Louis, M. Frémont avait
épuisé ses provisions de pain. Il n'avait plus de sel, et assaisonnait
ses aliments avec de la poudre de chasse. Il ne trouvait point de bois
pour faire rôtir quelques pièces de gibier tuées par hasard ; il allu-
mait son feu avec des excréments desséchés d'animaux, et enfin,
un jour, il en avait été réduit à prendre part à un repas qui lui sou-
levait le cœur, un repas de chiens bouillis. Dans cette triste situa-
tion, il rencontre quelques Indiens, amaigris, affaiblis qui l'engagent
à retourner sur ses pas, s'il ne veut s'exposer à mourir de faim. Des
nuées de sauterelles ont dévoré tout le gazon de la plaine, et l'on
ne voit plus nulle part aucun buffle. « En continuant votre route,
ajoutent-ils, vous ne trouverez que les ossements de nos chevaux
qui périssaient d'inanition, et que nous avons mangés. »
    M. Frémont écoute tranquillement ce sinistre avis, bien décidé à
poursuivre son trajet jusqu'à la dernière extrémité. Mais il ne
pouvait exiger de ses compagnons la même résolution. Il les réunit
 en cercle autour lui, leur raconte franchement ce qu'il vient d'ap-
 prendre, et déclare que ceux d'entre eux qui ne veulent point affron-
 ter un tel péril sont libres de s'en retourner.
    Pas un d'eux n'accepta cette offre. «Nous avons nos chevaux et
 nos mulets, s'écrient-ils; si nous y sommes forcés, nous les
 tuerons, et tant que nous le pourrons, nous vous suivrons. »
    Bientôt ils furent récompensés de leur courage. Ils découvrirent
 un troupeau de chèvres sauvages, dont ils firent de succulents
 festins.
    Ainsi va M. Frémont, non point précipitamment comme «n mes-
  sager impatient d'arriver au terme de son trajet, mais gravement
 et méthodiquement, en faisant à chaque pas quelques observations
  àe botanique, de géologie ou de météorologie. Ainsi il apleinement
  exploré la terra incognito, qui lui était désignée. Le premier, il a
  donné la latitude et la longitude de différents lieux dont on ne