page suivante »
A S C E N S I O N DU B A L L O N L E « G U S T A V E » 561 Le respect que j'ai voué à leurs cendres, ne m'empêchera pas de regretter qu'ils aient mené avec eux une Montgolfière, dont une seule étincelle suffisait pour enflammer leur ballon ; je les ai assimilés à un capitaine, qui, montant un vais_ seau de ligne, mènerait un brûlot à la remorque. Si un malheur semblable était arrivé lors des premières expériences de M. de Montgolfier, c'en était fait de sa découverte; mais aujourd'hui que près de cent voyages sans accident vont démontrer que \s. navigation aérienne n'était guère plus dangereuse que la navigation maritime, et peut-être moins, il est vrai- semblable que le découragement ne gagnera pas jusqu'aux âmes qu'une ambition sublime appelle à l'avancement des sciences. Dans cette circonstance, comme de raison, le grand procès du gaz et du feu se ranime ; des deux côtés on cherche à tirer parti de ses avantages. Ici le ballon du gaz était au-dessus de la Montgolfière. Le ballon a éclaté en mille pièces, et la Montgolfière est restée intacte, mais ce sont les lampes de la Montgolfière qui ont mis le feu au gaz. Quoique les deux partis en puissent dire, cela prouve seulement qu'il était imprudent d'associer le procédé du feu à celui du gaz inflammable. M. Pilatre de Rozier, jeune et sensible, avait peut-être une dose un peu trop forte de la pré- somption de son âge, mais l'imprudence, ou si l'on veut la méprise qui lui a coûté la vie, ne'doivent cependant pas faire juger mal des connaissances en phy- sique d'un homme qui l'a professée dans la capitale pendant plusieurs années avec succès, et qui y a fait plusieurs découvertes. Il n'avait jusqu'à présent fait imprimer qu'une brochurein—4° intitulée : Première expérience de la Montgolfière, etc., etc., et quelques prospectus du Musée, dont il était le fondateur et le chef. (Le Musée français. — Journal de Lyon, 1785, p. 215). Telle l'ut la fin désastreuse de cet homme dont l'intelligence et le courage ont illustré à jamais le nom. Le premier d'entre les hommes, ilaosé se confier à .un fragile appareil, et il a pris pos- session "de l'espace au nom de l'humanité. Il fut à la fois, dans sa courte et brillante carrière, l'initiateur de la navigation aérienne et le premier de ses martyrs *. Quelques années après le troisième voyage aérien, une médaille fut gravée et frappée à la Monnaie de Paris, en commémoration de cet événement. L'artiste qui en exécuta le coin fut N. Gatteaux. Elle a 41 milli- mètres de module. Un exemplaire en bronze de cette médaille, déchiré en mille pièces. La poitrine des deux hommes était fendue en travers, leurs cous et leurs têtes étaient enfoncés dans la poitrine, et leurs cuisses et leurs jambes brisées en plusieurs endroits . » t Nous devons mentionner ici un important article de M. W, de Fonvielle, Entre le ciel et Veau, publié dans le Journal des Voyages. La 111° partie de cet article, consacrée à la biographie de Pilatre de Rozier et à l'histoire de ses inventions, a paru dans le numéro du 23 mars 1884.