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FELIBRIGE 509 Mais tous ces beaux yeux, je n'y lirai guère, Ils sont dépassés : Les yeux les plus beaux qui soient sur la terre Sont les yeux baissés. P. M. Voici maintenant la lettre de Mistral : Mon cher ami, Souvenance me rappelle les émotions de mes vingt ans, quand la jeune fille, ce mystère charmant, passait devant mes yeux comme une apparition du ciel, et me laissait rêveur et plein de trouble délicieux. Tes vers sont doux, craintifs, suaves. C'est l'haleine delà vie qui émeut discrètement la première feuillee de l'arbre en sève; c'est le battement de cœur qui soulève le sein de la belle jeunesse; c'est la plainte ingénue, c'est la plainte touchante de la première dé- ception. Courage, enfant ! aime toujours et chante ! seule la poésie peut immortaliser l'idéal de l'amour. Va, mon ami, dans la rosée, dans le soleil, dans l'espérance, et, comme l'Alcibiade du Phédon, entre dans le Banquet, te couronnant de violettes. FRÉDÉRIC MISTRAL Paris, 7 mai 1884.