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132 LA REVUE LYONNAISE Très peu de temps après, il y eut beaucoup d'agitation et de trouble au presbytère ; des conversations assez vives ent,re le curé et sa nièce, qui ressemblaient quelquefois à des querelles ; j ' e n - tendais tout cela de mon lit, où l'on m'envoyait de très bonne heure, sans en bien comprendre le sens. Mais je pressentais qu'on touchait à de grands changements ; je n'en fus pas témoin cepen- dant, et ce fut moi qui partis le premier. Un jour de novembre, brnmeux et déjà froid, et sans autre an- nonce préalable, Madame Bunel m'emmena subitement à Paris. Là , nous entrâmes dans une boutique de pelletier et elle fit emplette, pour moi, de souliers fourrés pour l'hiver ; puis me conduisit dans une belle maison de la rue Dauphine (ou de Thionville) où elle me remit entre les mains d'un homme âgé qui me parut en être le maître; et après des adieux faits à la hâte, elle disparut. Je ne l'ai plus revue depuis. Mon nouveau protecteur, qu'on appelait le citoyen Berbiguier, était prêtre, mais assermenté; il ne s'en croyait pas moins obligé de donner des gages journaliers à la révolution en simulant le patriotisme le plus ardent. C'était surtout en présence des voisins de son quartier qu'il en faisait les étalages les plus exagérés. Ceux-ci venaient assez régulièrement chez lui avant souper, pour entendre la lecture de La Lanterne, journal du soir que recevait M. Berbiguier ; il la leur faisait à haute voix en l'assaison- nant de commentaires à la convenance de ce citoyen improvisé qui ne l'était, en réalité, que par.'peur, aussi bien que la moitié des gens de la maison. C'était, je m'en souviens, à l'époque de la prise de Toulon sur les Anglais ; il suivait avec chaleur toutes les phases de ce siège. Un jour enfin, en ouvrant son journal, il s'écria, d'une voix aussi grosse que les lettres par lesquelles on annonçait l'événement en tête de la gazette : Prise de Toulon! puispoursuivit lalecture, d'un ton emphatique interrompu, à tous moments, par les commentaires obligés et force exclamations. Mais à peine les voisins furent-ils sortis, et la porte cochère fermée sur eux, M. Berbiguier deve- nait un tout autre homme. 11 se montrait, dès lors, beaucoup plus occupé des souvenirs de l'ancien régime, que du temps pré- sent qui, je crois bien, lui faisait horreur et peur en même temps;