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                                  BIBLIOGRAPHIE                                         523
reusementles sauvages comme Mistral sont très rares. Je ne sache pas plus civi-
lisé et même plus civilisateur que lui.
   J'en appelle à Lamartine. Lorsque parurent les Entretiens  littéraires, cette
suite du Civilisateur, Lamartine n'admit dans son panthéon qu'un seul poète
vivant, un seul, Frédéric Mistral.                         JOSEPH Roux.




     CORRESPONDANCE INÉDITE DE MALLET DU PAN AVEC LA COUR DE
      VIENNE (179;t-1798), publiée d'après les manuscrits conservés aux Archives
       de Vienne, par M. ANDRÉ MICHEL, avec une préface de M. TAINE, de l'Aca-
       démie française. Pion, Nourrit et C:a. Paris, 1884. — 2 vol. in-S°, 15 francs.

   On a beaucoup écrit sur la Révolution française; mais, depuis peu de temps
seulement, on a fini par s'apercevoir que jusqu'à présent, on avait fait plutôt
une légende qu'une histoire vraie, exacte, de cette douloureuse époque, et que,
surtout, on a ignoré la véritable cause de bien des événements et le mobile cer-
tain des actes de plus d'un des acteurs dans ce lugubre drame. On s'est donc
mis à étudier, avec soin, cette longue période de convulsions politiques qu'un
moment on crut si bien terminées qu'un certain personnage a eu la naïveté de
dire « que la Révolution avait donné sa démission. » Ah! s'il vivait encore avec
quelle tristesse il verrait que l'Å“uvre, je dirais presque, infernale du jacobi-
nisme, commencée, dès avant 1789, parfois contenue, obligée souvent de se dissi-
muler, mais toujours vivace, se poursuit encore, aujourd'hui, avec une énergie si
persévérante que bientôt peut- être, nous aurons à gémir sur des bouleverse-
ments pires que ceux de la première Révolution. Le jacobinisme, en effet, est
le plus grand et le plus redoutable ennemi de notre civilisation. Personne n'a
mieux compris que Mallet du Pan, sauf Burke, comme le remarque si bien
M. Taine, » son fanatisme, ses instincts, ses procédés, l'enchaînement de ses
dogmes, son ascendant sur les esprits incultes ou mal cultivés, la force de sa
propagande, la puissance et la malfaisance de son rêve, son aptitude à détruire,
son incapacité pour construire, son appel aux passions dissolvantes et meurtrières,
le mécanisme par lequel sa doctrine transforme un demi-lettré, en un « philoso-
phe à pique » et le conduit de l'ignorance à la présomption, de l'enthousiasme
au crime, en lui persuadant qu'il sauve la patrie et qu'il régénère l'humanité. »
Mallet du Pan était mieux placé qu'aucun autre pour voir clairement et de près
les agissements de cette secte, de 1794 à 1798. Quoique originaire de Genève et
protestant, il avait été admis à la direction du Mercure de France, et il s'était
lié avec tous les hommes d'État de ce temps. Quand les événements lui eurent
enlevé cette direction, il resta publiciste et médecin consultant      de plus d'un
souverain qui avait reconnu avec quelle sûreté il pourrait être renseigné sur
chacune des secousses de la société française et dont le contre-coup faisait va-
ciller, en même temps, tous les trônes d'Europe. Le roi de Prusse, la cour de
Turin, le roi de Portugal se plurent à lui demander, en même temps, son avis
et ses conseils, dans plus d'une circonstance, et lui fournirent los subsides dont
il avait besoin pour ses informations, pour pénétrer même dans plus d'un cabinet
des maîtres delà situation et surprendre leurs secrets, car il entretenait partout
de nombreux correspondants, des agents mêmes qui passaient et repassaient la
frontière pour lui donner des informations verbales qu'il eût été dangereux sou-