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BIBLIOGRAPHIE 85 neure et de Judée. Nous, qni en étions les premiers occupants, nous sommes en traia d'y perdre notre légitime influence. Il se fonde des villages entièrement allemands qui prospèrent- et se développent d'une façon étonnante. Ceux que la mère-patrie ne peut nourrir s'en vont par-delà les flots bleus de la Méditerrannée fonder des colonies, premiers jalons de la future conquête, alors que le cadavre ottoman tombera en pleine décomposition. Us emportent avec eux le Yaterland, l'amour du travail, de la vie sobre et honnête, et, le soir venu, ils font retentir le silence de la nuit du chant des prières nationales. Quel enseignement pour nos politiqueurs d'atelier et du parlement ! et quel remède précieux contre les doc- trines inquiétantes qui, à la honte du pays, se développent en plein ciel chez nous ! Innombrables, en effet, sont les ressources que l'activité humaine pourra tirer de ces régions, lorsque les populations intelligentes qui les habitent, auront été enfin soustraites au joug abrutissant des Turcs ; quand la femme, qui n'est là qu'une esclave, aura repris la place à laquelle elle a droit au foyer et qu'elle pourra répandre sur la famille sou influence moralisatrice, Il manque à ces pays des routes, des chemins de fer, des ponts, la sécurité : l'administration ottomane est impuissante à leur donner quoi que ce soit de tout cela : les pachas pressurent leurs administrés et mettent dans leur poche l'argent destiné aux services publics. C'est à bon droit que M. Lortet flétrit vigoureusement, à plusieurs reprises, cette domination qui énerve les volontés et paralyse les efforts. P ar exemple, il m'est impossible de m'associer aux sentiments attendris que lui inspire la vue des Juifs venus pour prier au lieu où fut le Temple, pas plus qu'à l'éloge qu'il fait de cette race. Trop d'écrivains ont dépeint, en termes saisissants, l'influence malfaisante exercée par eux partout où ils se sont établis, apportant avec eux l'usure et la ruine i, pour que l'écrasante majorité de leurs témoignages n'entraîne pas mon adhésion. Si j'ai dû faire quelques réserves relatives au texte de M. le docteur Lortet, je n'en ferai aucunes en ce qui concerne l'illustration de ce magnifique volume. Trois cent cinquante gravures dessinées sur bois par Barclay, Catenacci, Ferdi- nandus, Hubert-Clerget, Lancet, Pranishnikoff, Ronjat, A. Sirouy, G. Vuillier, Th. Weber, B. Zier, la plupart d'après dés photographies faites par M. Lortet, y répandent un charme inexprimable, L'image que la plume, malgré ses res- sources, est parfois insuffisante à faire pénétrer dans l'esprit du lecteur, la gra- vure la lui rend sensible et palpable. Pour les costumes, par exemple, elle est seule capable d'en donner une idée exacte. Sans leur secours, comment nous représenter' le kabkab ou le kergèh des femmes de Damas, ou les princesses druses coiffées du tantoura? Une vignette en dit plus qu'une page de texte. Bien exécutées, les gravures ont été bien tirées et ne laissent rien à désirer. Il est difficile, on le voit, de rencontrer un volume qui satisfasse mieux que celui-ci aux exigences du public sérieux. Le nom du docteur Lortet, si hono- rablement connu, attirera à son travail une popularité bien méritée dans notre région du Sud-Est et la Syrie d'aujourd'hui demeurera un de ces volumes que le savant consulte et où l'homme du monde trouve à occuper utilement ses heures de loisir. GH. LAVKNIR. 1 Voir notamment, parmi les plus récents : Victor Tissot, La Russie et les Russes; V. Rouslane, Le Juif de Sofievka; P. OUivier, des frères Prêcheurs, Les Juifs en Hongrie, l'affaire de Tisza-Kszlarj dans le Correspondant du 25 novembre , et dans la Revue Lyon- naise des 15 octobre, novembre et décembre, les Souvenirs d'Alger, de M. Maire.