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318 LA R E V U E LYONNAISE qui embrassent toute la carrière parcourue par lui. Demeurés inédits du vivant de l'auteur, ils sont aujourd'hui livrés à la publicité par son fils. Personne, je crois, ne regrettera les heures qu'il aura consacrées à cette lecture. Ces Mémoires, en effet, présentent des qualités d'impartialité, de sim- plicité, un cachet de vérité, un ton constant de bonne humeur, qui en font un livre des plus attrayants. On y chercherait en vain la trace d'un préjugé, d'une opinion dictée par le ressentiment ou par un parti-pris contre les hommes ou contre les choses. M. de Puymaigre est un philosophe aimable, et en même temps un homme de caractère et un homme de bien : au lieu de s'attarder à des doléances superflues, il cherche à s'accommoder aux événements, sans jamais désespérer, même quand l'avenir se présente à lui sous les aspects les plus sombres. Il fait allègrement et bravement son service à l'armée de Condé qu'il accompagne en Russie, lorsque les émigrés passent à la solde du czar. De retour dans sa patrie, lorsque la tourmente révolutionnaire se fut un peu apaisée, il se met en quête d'une position et finit par trouver une place dans l'administration des droits réunis. Sans doute il eût préféré autre chose ; mais à refuser la situation qui lui était offerte, il eût risqué de faire comme le héron de la fable. Dans ses modestes fonctions, M de Puymaigre déploya le même zèle qu'il eût mis à remplir un poste plus en harmonie avec ses facultés et ses goûts. A la fin de l'Empire, nous le trouvons à Hambourg où il occupeune place élevée dans l'admi- nistration. Le retour de l'île d'Elbe ne lui fit point oublier le serment qu'il avait prêté au roi Louis XVIII qu'il considérait comme son légitime souverain. 11 ne se joignit pas cependant à la foule des courtisans qui se pressaient sur la route de Gand; mais il se tint à l'écart, dans une retraite modeste, attendant les événements. Sa fidélité fut récompensée par une nomination de préfet. Il exerça cette fonc- tion successivement dans plusieurs départements, dans le Haut-Rhin, dans l'Oise, enfin dans Saône-et-Loire où le surprit la Révolution de 1830. La substitution de la branche cadette de Bourbon à la branche ainée clôtura définitivement sa car- rière assez agitée, comme on voit, et le rendit à la condition privée. Il ne faut pas demander à M. de Puymaigre de vastes considérations sur l'his- toire des temps où il a vécu; il n'embouche jamais la trompette épique et n'arme pas non plus sa main du fouet de Juvénal. Les événements auxquels il ne s'est pas trouvé mêlé, il n'y touche que légèrement, pour les indiquer en passant; d'autres fois il les passe entièrement sous silence. Le fond de son récit, ne l'ou- blions pas, c'est sa propre vie. Il dépeint les milieux dans lesquels il s'est ren- contré, il raconte les événements dans lesquels il a été acteur. On ne déeouvira certainement dans ces Mémoires rien de bien saillant, de bien nouveau, rien qui jette d'inattendues clartés sur quelque point d'histoire encore obscur. Mais l'on apprendra à connaître par le menu les habitudes, les mœurs intimes, parfois si curieuses de ces époques profondément agitées. Il dit : J'étais là , telle chose m'advinl. Vous y croirez être vous-mêmes. Gomme tout particulièrement intéressantes, je dois citer les pages dans les- quelles M. de Puymaigre raconte la façon dont était administrée la ville de Hambourg, violemment incorporée à l'Empire, le soulèvement qui éclata lorsque les habitants apprirent les défaites de Napoléon, et le siège de la ville par les