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CLAIRETTE 165 fatigue physique, pour ne pas songer à Clairette, pour ne pas aller la voir, — et la laisser en paix, cette petite fille, — cette sauvage qui ne vaut pas mieux que celles de ses sœurs que j'ai aimées dans les grandes villes Je me sentais bien là haut, dans les rochers, sur les pentes qui montent vers leTanargues, au milieu des genévriers et des bruyères, — seul, bien loin des hommes qui n'aiment pas et des femmes qui font souffrir ! Je regardais les immenses perspectives de montagnes qui de tous côtés encombraient l'horizon 30 mai. Une semaine encore passée à Saint-Marcel. Le temps marche et peu à peu la vie se mure ici, derrière ces terribles montagnes qui semblent limiter le monde et me séparer à jamais de ce qui est ailleurs. J'oublie ma vie passée, la fièvre des voyages et le jeu des aventures, les horizons toujours changeants, l'existence toujours bruyante, les amours abandonnés, les amis qui m'oublient eux-mêmes; mon travail m'occupe, parfois même m'intéresse, — car l'on se fait à tout, — et je m'habitue au calme de cette vie laborieuse, à cette vallée tranquille, à ce bout du monde isolé. De belles journées de liberté passées dans ces campagnes étran- ges, à errer dans ces petits chemins ombreux qui montent ou des- cendent à pic, se glissant sous les châtaigniers, bordés de genêts odorants ou de chênes nains. De loin en loin on rencontre de vieux hameaux aux pierres rongées par le temps, coupés de ruelles moussues et verdâtres où le silence et l'ombre régnent. La cam- pagne sent bon et le paysage a des détails exquis. Des figuiers et des chèvrefeuilles croissent dans les rochers. Dans le creux des vallées ensoleillées les oliviers et les mûriers mêlent leur ver- dures différentes. Et chaque soir, quand les dernières lueurs dorées se sont éteintes sur les cimes de pierre, quand l'obscurité est descendue dans les vallées profondes, chaque soir, revient l'heure où, là bas, dans la paix des Ranchisses, Clairette m'attend. Vendredi, 15 j u i n . Deux semaines de plus s'en sont allées s'en sont allées dan? FÉVRIER 1884. — T. VII. 11