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BIBLIOGRAPHIE 651 mal connues : l'émancipation des serfs et la répression de l'insurrection polonaise de 1863. Le nom de Milutine est inséparable de ces deux grandes œuvres dont il a été, pour ainsi dire, la cheville ouvrière, et auxquelles il a consacré, jusqu'à ce qu'une inortprématurée vînt l'arrêter, tout ce qu'il avait d'intelligence et d'énergie. Révolutionnaire pacifique, ardemment épris de l'amour du peuple, il se dévoua entièrement à la cause des paysans, qui lui doit ses meilleurs succès. II compre- nait bien qu'un changement aussi radical que celui qu'il méditait ne pouvait s'accomplir en un jour. Sans doute il désirait pour son pays la liberté politique ; mais il voulait que le peuple russe fît l'apprentissage des institutions occiden- tales dans des assemblées communales et provinciales, sur un théâtre moins vaste que la tribune d'un parlement national. Il lui fallait en outre tenir compte des répugnances du parti aristocratique, de l'inintelligence même de ceux dont il voulait assurer le bonheur, des caprices d'un maître absolu, des routines d'une administration obstinée et souvent prévaricatrice. Au milieu de tous ces obs- tacles, il ne perdit jamais de vue l'idéal humanitaire que poursuivait son âme généreuse. Ni les résistances qu'il rencontra, ni la défiance même de l'empe- reur, sans cesse attisée par d'infatigables ennemis, ne parvinrent à le rebuter- Le succès couronna sa persévérance : le 19 février 1861, était signé l'acte qui abolissait le servage. Lorsque la volonté impériale vint arracher Milutine aux charmes d'un repos bien mérité par des années de travail sans relâche pour l'envoyer, au milieu de la Pologne soulevée, ramener le calme, il prit pour guide, dans l'accomplissement de cette lourde tâche qu'il n'acceptait qu'avec la plus vive répugnance, le mobile qui l'avait toujours animé : l'amour du paysan. Ce qu'il avait fait pour le moujik, il conçut l'idée généreuse de le réaliser pour le serf polonais. Pour détacher de l'insurrection fomentée par l'aristocratie et les comités révolutionnaires ceux des paysans qui y avaient pris part, il fallait les affranchir, les rendre proprié- taires, au moins en partie, de ce sol sur lequel leurs pères avaient peiné pendant des siècles pour le compte d'autrui. C'est vers ce but que convergèrent toutes les mesures prises par lui, et les résultats obtenus rendirent pleinement hommage à la justesse de ses vues. Dans son œuvre féconde, Milutine eut deux amis dévoués, deux collaborateurs de tous les instants, que l'auteur nous fait connaître : le brillant écrivain slavo- phile Georges Samarine, et le prince Vladimir Tcherkassky. Leurs conseils et leurs encouragements lui furent d'un puissant secours dans les heures de lassi- tude où le robuste athlète se sentait défaillir sous le poids de la tâche qu'il avait entreprise, de même que leur connaissance pratique des affaires lui vint en aide dans la mise en ordre des mille détails d'une organisation nouvelle et colossale à créer. Il serait à souhaiter pour la Russie qu'elle comptât souvent dans les con- seils de son gouvernement des hommes de la valeur de ceux que je viens de nommer. Quand on a lu le livre de M. Anatole Leroy-Beaulieu, on est mieux à même d'apprécier cette question polonaise sur laquelle on est habitué à n'entendre que des jugements de convention et des phrases toutes faites. L'ouvrage est du reste écrit sur un ton de sincérité et d'impartialité tel que le requiert l'histoire. On désirerait peut-être quelquefois plus de force et de concision dans le style de l'auteur. Mais c'est là un léger défaut que rachètent largement les multiples qualités de ce volume. GH. LAVENIR,