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650 LA R E V U E LYONNAISE méchants, les desseins de Dieu s'accomplissent, et si Dieu faisait que cet évé- nement contribuât à rétablir la concorde dans la patrie, les cadavres de ceux que nous pleurons auraient servi à la réconciliation... » ce vœu fut exaucé. La liberté des Pays-Bas resta, sinon telle que l'avaient rêvée les deux illustres morts, du moins encore belle : leur sang qui avait arrosé le sol de la patrie, cria vengeance, et l'ennemi, qui le souillait, dut l'abandonner sans retour. IV. L'Académie française vient d'accorder le prix Halphen à l'histoire de Jean de Witt. C'est là un éloge réel, qui nous dispense de nous appesantir sur le bien que nous en avons dit. L'Académie française est un bon tribunal en matière de littérature et d'histoire, quoi qu'en puissent dire certains qui n'en sontpas, et, peut- être, voudraient en être. Nous souscrivons de grand cœur à ses jugements. Toutefois, qu'il nous soit permis de faire quelques réserves. Pour bien faire connaître les aspirations, les influences, les ressources, le caractère, les aptitu- des, l'état moral qui avaient préparé son héros et le peuple aux destinées duquel ce héros allait présider pendant vingt années, M. Lefèvre-Pontalis a fait précéder son étude d'un chapitre où il résume fort bien, du reste, l'histoire des Provinces- Unies, depuis leur émancipation, jusqu'à 1652. Il a vu dans les princes d'Orange des sauveurs, des champions de la liberté, non des ambitieux qui faisaient leurs affaires ; nous, nous penchons pour l'opinion qui les tient pour moins désintéressés que cela, surtout Guillaume le Taciturne, renégat par calcul politique. Dans ce chapitre aussi, Philippe II, le duc d'Albe et l'Inquisition font par trop sinistre figure. La révolte des Gueux a l'air, d'après M. Lefèvre-Pontalis, d'avoir été provoquée par les cruautés et les édits, trop cruels, pour être croyables, de ces trois personnages, admettant que l'inquisition soit personne morale. Requies- cens, don Juan, Alexandre Farnèse, Marguerite de P a r m e , n'étaient pourtant pas des bourreaux bien féroces. Néanmoins les révoltés n'ont pas désarmé avec eux. Ne serait-ce pas, parce qu'il y avait autant de fanatisme chez les réformés que de mauvaise volonté chez le gouvernement espagnol ? Il est vrai, la victoire est restée à la Réforme, mais la fin ne justifie pas les moyens. M. Lefèvre-Pontalis fait l'honneur aux Pays-Bas d'avoir été le berceau delà liberté de conscience. Ii faut avouer que cette liberté-là était, et resta longtemps, dans les langes de ce berceau, car, longtemps les catholiques furent tenus pour des parias en Hollande, parias, auxquels l'accès aux fonctions publiques n'était pas permis. La France était plus généreuse, alors, envers les protestants. Quoi qu'il en soit de ces réserves, hâtons-nous de le dire : l'histoire de Jean de Witt est un ouvrage bien venu. Nous lui souhaitons beaucoup de lecteurs ; à son auteur, nous souhaitons de nous donner d'autres études historiques pareilles, et à la France, des ministres comme Jean de Witt, savants, intelligents, honnêtes, fiers et désintéressés. La France ne les assassinera pas, ces ministres-là ! UN HOMME D'ÉTAT RUSSE (NICOLAS MILDTINE), d'après sa correspondance inédite. Étude sur la Russie et ]a Pologne/pendant le règne d'Alexandre H (1855-1872), par ANATOLE LEROY-BEAULIEU. — Paris, Hachette, 1884, un vol. in-16, p r i x : 3 fr. 50. En écrivant la biographie de Nicolas Milutine, M. Anatole Leroy-Beaulieu a étudié, avec l'autorité que lui donne sa connaissance approfondie des hommes et des choses de la Russie, deux questions fort intéressantes et généralement asse