page suivante »
BIBLIOGRAPHIE &i9 ment les institutions, les mœurs municipales, la période la plus active des évo- lutions de la République des Pays-Bas; pour assister à la naissance des luttes ma- ritimes par lesquelles l'Angleterre s'est acquis l'empire des mers, empire, dont elle doit la première ambition à Gromwel, empire, que la Hollande fut la pre- mière à lui disputer, plus d'une fois, avec avantage, pour s'initier aux secrets de la diplomatie, trop souvent peu scrupuleuse, mais incontestablement très habile, au moj'en de laquelle, Louis XIV, vr'ai disciple de Mazarin, assurait les victoires au génie de ses généraux, et à la valeur de ses armées sans égale ; pour com- prendre enfin le génie froid, obstiné, implacablement haineux et ambitieux de celui qu'on a appelé : Général, presque toujours malheureux, mais politique, toujours heureux, Guillaume III d'Orange. On devra lire Jean de Witl, par M. Lefèvre- Pôntalis. III « Le dernier acte, dit Pascal dans une de ses pensées, est toujours sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste. » Cet acte tragique, par lequel le sombre philosophe signifie la fin de la vie, devient une horrible réalité dans l'assassinat de Jean de Wittetde son frère Corneille; il est magistralement rendu dans le dernier chapitre que M. Lefèvre-Pontalis consacre aux deux frères. Sobriété, émotion du récit, abondance des détails qui font revivre la scène de la prison, de la place publique et de l'échafaud de la Haye, lâcheté des magistrats, hypocrisie des ennemis des de Witt, vénalité des juges, ingratitude, cruauté de la populace affolée, courage, piété, tendresse, dignité des deux frères, outrages inénarrables à leurs cadavres pantelants, tout est là , pour en faire, non l'acte d'un drame quelconque, mais une véritable Passion. Shakspeare, qu'on loue pour avoir, dans ses drames, des situations qui remuent l'âme jusque dans ses plus intimes profondeurs, Shakspeare n'a jamais trouvé une situation dramatique, pareille à la scène du 20 août, à la Haye. Cette populace ivre de fureur, cette potence dressée tout près de la maison, où, un vieux père, une sœur, cinq petits enfants, attendent, en vain, l'un ses fils, les autres leur père, leur frère, ces malheureux, obligés de se dérober eux-mêmes aux assassins; ce Corneille Tromp, un héros quand il se bat, mais un féroce ennemi, qui se déguise pour venir repaître sa haine de la vue des tortures de ses rivaux politiques, cette pauvre femme de Corneille de Witt, accourant auprès de son mari, qu'elle croyait pouvoir accompagner au moins dans l'exil, arrêtée tout à coup par la nouvelle des lamentables événements, puis revenant à Dordrecht, abîmée dans sa douleur, et entendant sur le bateau qui l'emmène, un voyageur raconter les détails du meurtre des de Witt, voyant celui-ci, pour convaincre ses auditeurs, leur montrer un doigt qui, dit-il, a été coupé à la main de Corneille, cette malheu- reuse femme s'approchant alors, demandant à voir ce doigt, le prenant, l'examinant avec une pieuse attention et disant : « Ce doigt a encore tenu hier à la main de mon bien-aimé mari ; il m'est bien connu. » Est-il une scène, dans l'œuvre de Shakspeare, aussi pathétique que cette simple et navrante réalité? C'est le cœur serré et avec des larmes dans les yeux qu'on achève le dernier' chapitre de Jean de Witt. Son cadavre et celui de son frère servent de piédestal à la grandeur future de Guillaume III, que l'historien n'ose accuser absolument de leur mort et qui peut difficilement en être disculpé. Le prix du sang enrichit leurs meurtriers et leurs délateurs. La justice n'est pas de ce monde, hélas ! Mais une noble vie, et le sang versé pour une cause, sont grands, féconds. Ce vœu que Diederik Hoeufft, beau-frère des victimes, exprimait ainsi : « Quoi que fassent les