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570 LA REVUE LYONNAISE On a beaucoup vanté, depuis une trentaine d'années, l'esprit d'in- vention, le génie industriel, l'ardeur et la persévérance, les travaux et les institutions des Américains. On oublie ce que les Français ont fait dans ce pays bien avant qu'il fût question de ces nouvelles gé- nérations d'émigrants de toute sorte, que l'on réunit sous le nom de race anglo-saxonne pour leur donner un caractère d'homogé- néité qui ne résiste pas au moindre examen. Les Français sont entrés dans cette région quand elle était encore dans son état primitif et sauvage, et en ont eux-mêmes ouvert les différentes voies à ses maîtres actuels. C'est un marin français, le valeureux Jacques Cartier, qui a dé- couvert le Saint-Laurent. C'est un prêtre français, le père Mar- quette, qui a découvert le cours du Mississipi; c'est un gentilhomme français, le vaillant Lasalle, qui descendit, le premier, ce grand fleuve jusqu'à son embouchure. Ce sont les Français qui, les pre- miers, fondèrent des établissements agricoles sur les rives del'Ohio, dans la Caroline du Sud et sur les contins du golfe de Mexique. Ce sont les Français qui colonisèrent l'Acadie, dont un illustre poète, Longfelow, a raconté, enfermes touchants, les derniers désastres; et le Canada, où subsistent encore pleinement la langue et le sou- venir de la France et la Louisiane. Ce sont des missionnaires fran- çais qui pénétrèrent au milieu des farouches tribus d'Indiens et leur enseignèrent les dogmes d'humanité et de charité de l'Evangile. Ce sont ces intrépides Canadiens, qu'on appelait les voyageurs et les coureurs des bois, qui s'avancèrent à travers les forêts imprati- cables, franchirent les torrents, s'aventurèrent sur les lacs, et furent les premiers pionniers de cette immense contrée où les Américains se glorifient aujourd'hui de construire leurscités, de dérouler les rails de leurs chemins de fer et de faire flotter leurs bateaux. Sur une longueur de neuf cents lieues, depuis le plateau rocailleux où s'élèvent les remparts de Québec jusqu'à la plaine humide où s'étalent les vastes maisons de la Nouvelle-Orléans ; depuis le voi- sinage des glaces du Labrador jusqu'aux parages des Tropiques ; depuis les rives de l'Hudson jusqu'aux extrémités duNord, partout au seizième et au dix-septième siècles, le sol a été sillonné et jalonné par les Français. Maintenant encore, c'est à l'aide des bateliers canadiens que la compagnie de la baied'Hudson et les autres com-