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TROIS MOIS A VENISE 459 masqués s'avançaient en tête de la Judecca, dans la direction de Poveglia, vers ce canal Orfano, dont les eaux profondes engloutissaient le corps du condamné avec une corde au cou... Du Palais Ducal, allons faire un tour à l'Arsenal. Son entrée est l'un des plus beaux monuments lombardesques du quinzième siècle. On conserve, dans la salle d'armes, des objets curieux (armes, armures, etc.). Cet arsenal est digne de l'idée qu'on se fait delà marine vénitienne. Il embrasse deux milles de circonférence. Des bastions et de hautes murailles protègent cet immense magasin. La marine était, pour Venise comme pour l'Angleterre, le principal levier de la puissance. Dès 558, les Vénitiens avaient la seigneurie des mers; et, 70 ans avant Charlemagne, ils possédaient des arse- naux. Au neuvième siècle, ils construisirent des navires à trois mâts. Mais à la fin du quinzième siècle, le commerce de Venise avec ses 300 navires de guerre, ses 36,000 marins fut bouleversé et presque anéanti par la découverte du cap de Bonne-Espérance et de l'Amérique qui lui fit une blessure mortelle. Prenons le bateau à vapeur pour 10 centimes. Rendons-nous à Y Académie des Beaux-Arts, où l'on conserve 679 peintures sur bois ou sur toiles, qui font l'envie de toute l'Europe. Là , les œuvres de l'immortel Titien coudoient celles des trois autres grands peintres vénitiens :LeGiorgione (1478-1511), Tintoret(1512-1594), Véronèse (1530-1588). Ici,on ne se lasse de contempler les chefs- d'œuvre des Bellini (1421-1516), de Garpaccio (1450-1522), Palma le Vieux (1480-1548), de Bonifazio (mort vers 1570), de Paris Bordone (1500-1570). Les yeux sont éblouis par tant de merveilles. On ne sait sur quelle toile arrêter ses regards. Mais, cependant, on s'assied, volontiers, pour contempler plus à son aise, le chef- d'œuvre du Titien, Y Assomption (YAssunta), dont la cou- leur, le dessin, l'expression des personnages vous laissent ravis. Le Titien, comme peintre,est unique. Il commence tout enfant et peint pendant plus de 80 ans ; encore est-ce la peste qui l'enlève. L'Etat lui fait des funérailles publiques, violant ses règlements. C'est à l'Académie, à Venise, qu'on peut bien étudier le Titien : l'un de ses premiers tableaux, une Visitation, et sa dernière toile, une Déposition du Christ. Sauf Michel -Ange, personne n'a manié la