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                                BIBLIOGRAPHIE                                       421
 — puis des réflexions, 'des souvenirs pieusement recueillis par un disciple, un
ami, habilement disposés pour servir de cadre à enchâsser ces lettres — perles
précieuses! — enfin, lettres, réflexions, souvenirs, fondus en un tout harmonieux
par une pluing exercée, sobre, délicate, à laquelle nous devons les Livres 'de
liaison, des études d'histoire locale du plus haut intérêt ; voilà le fonds, le cadre,
la forme du livre que M. Ch. de Ribbe vient de consacrer à M. Le Play. Et
voilà un bon livre; un livre ému, comme tout ce qui jaillit du cœur ; un livre
exquis, comme tout ce qui mûrit sous l'influence des nobles pensées.
    Pour n'avoir pas eu une réputation aussi brillante, aussi tapageuse que plusieurs
de ses contemporains, M. Le Play n'en a pas moins été l'un des hommes de notre
temps dont l'intelligence a répandu les plus intenses clartés dans le monde des
 esprits sincères, dont la plume a semé le plus grand nombre de germes féconds et
 vivaees dans le champ de la science économique, dont la vie simple et rudement
laborieuse a creusé le sillon le plus profond dans le domaine des spéculations
 morales — je me trompe — des faits moraux, dont le caractère, enfin, d'une
 fermeté et d'une sérénité idéales, est admirable sans restriction.
    N'est-ce pas un mérite, pour le biographe de M. Le Play, de nous avoir offert
 un tel modèle, en regard de nos défaillances morales, de nos cupidités déchaînées?
N'est-ce pas un grand enseignement donné que d'avoir évoqué ce vaillant ouvrier,
 occupé toute sa vie à déblayer, à affermir les seuls fondements stables d'une
 société : Dieu, la famille, la propriété? N'est-ce pas un véritable service rendu
 à tous que d'avoir fait revivre, par ses lettres, l'âme de cet homme de bien qui
 a tant travaillé, tant écrit, qui s'est tant prodigué pour arracher notre France au
 vide des formules creuses, où, depuis la Révolution, elle cherche vainement un
repos introuvable ?
    Le livre de M. Gh. de Ribbe sur M. Le Play commence à 1857. Alors M. Le
Play était en pleine lumière. Les Ouvriers E'aropèens avaient paru depuis deux
ans.—• Les fonctions publiques, les savants, les hommes politiques étaient venus
le trouver d'eux-mêmes. Alors M. Le Play était en possession de sa méthode
où l'étude des faits historiques, sociaux et moraux, où l'observation des besoins,
des aspirations populaires, des traditions, remplacent les faux axiomes, les for-
mules vides — école de Rousseau ; — « alors : la science toute                  pratique
qu'il avait puisée dans ses voyages d'exploration         et d'observation à travers
l'Europe     était vraiment      une eau qui débordait,         lorsqu'il traitait    les
problèmes vitaux de l'époque. » Déjà les matériaux de la Réforme sociale étaient
amassés dans son cerveau, et quatre ans de fusionnement dans ce puissant
creuset allaient en faire le livre économique le plus considérable de notre siècle.
La Réforme sociale allait inspirer l'Organisation      du travail, Y Organisa doit de
la famille s la création de la Revue qu'il appela : La Réforme sociale. Enfin,
il pensait déjà à la fondation d'une École d'économie sociale — œuvre de prédi-
lection de sa vie — à laquelle il consacra le meilleur de sa science, de son in-
fluence, de son cœur.
    Ce n'est donc pas la vie entière de M. Le Play que décrit M . de Ribbe. C'est
l'économiste principalement, c'est la période d'épanouissement de son esprit, de
sa méthode, de son activité, de son grand caractère, de son œuvre. Cette période
d'épanouissement n'a pas de déclin progressif, comme il arrive pour la plupart
des hommes. M. Le Play, malgré l'âge, malgré les désastres de la patrie,
garde tout son courage, toute son activité, toute la force de son intelligence, et
     Avnn. 1884. « T. VII.                                                     21