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                           T R O I S MOIS A V E N I S E                            379

                    La biondina in gondoleta
                    L'alira sera gomenà
                    Bal piaser la poverta
                    La sa in bota   indormanzà
                    La dormiva susto brazzo
                    Mi ogni tanto la svegliava   (bis)
                    Ma la barca che ninava
                                                     bis-
                    La tornava a     indormenzar.

   La musique de cette chansonnette est surtout empreinte d'un
cachet ancien. L'air qui est gai, gracieux, remonte assurément
fort loin1.
   Il m'est impossible de ne pas dire un mot des belles têtes
de Venise. Les tableaux du Titien représentent, déjà, au sei-
zième siècle, des femmes blondes, vénitiennes, d'une grâce incom-
parable. Ces types se retrouvent à Venise. La Vénitienne a des
yeux d'une douceur qui vous captive, des traits d'une régularité
parfaite, des cheveux superbes, un sourire gracieux, quelque
chose de profondément mélancolique comme cette merveilleuse
cité de Venise. On dit qu'elle a bon cœur. Que voulez-vous de
plus ?
   Passant d'un chapitre gai à un autre assez triste, je dois dire
quelques mots du Campo-Santo ou cimetière. Il est situé dans une
île, près du Lido et d'une extrême simplicité 2. 11 est vrai qu'il a

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     Le peuple vénitien aime le plaisir. Non seulement le goût de la musique est,
chez lui, inné; mais encore celui delà danse. Terpsichore n'a jamais eu de fils lan-
çant plus gracieusement leurs pas. Il y a, à Venise, des régates ou courses en gon-
dole des plus brillantes. Un des jeux les plus gais était la guerre à coups de poings
(guerra dei pugni). On voit encore, près de l'église San-Barnaba, un pont, sans
parapets dit : ponte dei pugni, et des pieds placés en mosaïque sur le pont. A un
moment donné, les partis politiques qui se disputaient la ville arrivaient des deux cô-
tés du pont. Alors, c'était à qui, à grands coups de poing, pousserait l'autre dans le
canal; et les rouges comme les noirs tombaient dans l'eau en véritable cascade, à la
grande joie des spectateurs.
   Comme dans la plupart des villes d'Italie, on ne déteste pas la bonne chère, à
Venise. Les restaurants (trattorie) ont une foule de plats des plus délicats, à des
prix d'un incroyable bon marché. Aussi la vie coûte-t-elle moitié comme en France,
dans la ville des doges. Un célibataire qui a 2.000 francs de rente y passe les jours
les moins dispendieux. Chaque nuit, les restaurants restent ouverts. Notez bien
que la tasse de café coûte 10 et 15 centimes, à Venise. Tout le reste est à l'avenant.
Les domestiques à gages y sont adroits, fidèles, secrets, loyaux, bon marché et nom-
breux.
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     Les monuments funèbres du Campo-Santo, de Venise, contrairement à l'usage