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UN SCULPTEUR FÉLIBRE 341 Vase et lou biou, qui jouent un si grand rôle dans les poésies de Saboly, l'âne et le bœuf de la crèche. Mais on ne manquerait pas de dire que c'est la font dis ase et di courna. Il faut donc y renoncer. » Eh bien ! c'est franchement dommage qu'il ait fallu y renoncer. Le motif ornemental, indiqué par Roumanille était charmant, neuf, piquant, original, pittoresque et même très décoratif. Il fut remplacé par une tête d'ange boufarêu. Un artiste du moyen âge ne l'aurait pas répudié pour sa cathédrale. Quel malheur que l'opinion des sots, des ignorants et des mal intentionnés soit puissante jusqu'à faire peur à un libre et hardi esprit tel que Roumanille! Ah! les jours du naïf et doux François d'Assise sont bien loin de nous ! Ce buste de Saboly, fait d'imagination, est vivant comme si le modèle avait posé devant le sculpteur. Dignité du prêtre, bonhomie du noéliste, inspiration du poète, fine ironie du satirique, rien n'y manque. Saboly nous apparaît largement drapé dans les vête- ments sacerdotaux, grave et majestueux, les yeux droits et pro- fonds, les lèvres entr'ouvertes, les sourcils puissants sous un vaste front de penseur, les cheveux rejetés en arrière et comme flottants au souffle inspirateur. L'esprit, traduit par les lignes intelligentes du bronze, vit et respire dans cette tête. Le bronze lui-même est supérieurement traité. Il n'a pas le poli ordinaire ; aussi les jeux de la lumière n'en sont-ils que plus heureux : ils donnent plus de vie et de caractère à la sculpture. Sur une surface trop lisse, le jour glisse ou miroite et semble mieux convenir à une figure délicate de femme qu'à un mâle visage. Le musée d'Avignon possède une reproduction en plâtre de ce buste; elle a figuré, en mai 1879, à l'exposition régionale des Deaux-Arts, à Marseille. M. Adrien Didier, le maître graveur et son élève et ami, Paul Maurou, ont gravé avec un grand talent le portrait de Saboly. En 1876, Amy expose le médaillon en bronze de Méry qui fut AVRIL 1884. — T. VII. 22