page suivante »
338 LA REVUE LYONNAISE Ces portraits ou demi -bustes, adossés à une lyre ornée de rameaux et de fleurs, s'enlèvent dans un même essor. Mistral domine, ses traits un peu amaigris donnent un caractère plus artis - tique à sa tête si expressive, coiffée d'un chapeau provençal aux larges ailes fièrement relevées. Aujourd'hui, la sérénité de l'Immortel respire partout enlui. Au-dessous et dos à dos sur le même plan, Aubanel et Roùmanille profilent, l'un son front immense, ses prunelles ardentes et ses lèvres fines, l'autre ses cheveux abon- dants, sa barbe longue et artistiquement négligée, son œil profond, une physionomie pleine à la fois de finesse et de grandeur. On connaît l'apostrophe de Mistral dans le sixième chant de Mireille : « Et toi, fier Aubanel, au cœur consumé de rêves d'amour ! » Aubanel a répondu en s'écriant : « Nous, les Félibres, nous sommes les grands amoureux et tout ce qui est beau, vaillant, exaltant.fait battre nos poitrines. » Roùmanille, lui, est le poète du foyer, naïf et simple comme un primitif, sachant, comme dit encore Mistral dans le sixième chant de Mireille, « tresser dans ses harmonies et les pleurs du peuple et le rire des jeunes filles et les fleurs du prin- temps. » Amy avait Irente-sixans, quand il sculpta cette admirable page, ce beau marbre, plein de vie et de ressemblance. Mistral lui écrit de nouveau à ce sujet, le 29 octobre 1875 : « Mon cher ami, « J'arrive d'Avignon. Tout le monde est plein d'admiration devant votre bas-relief des Félibres que la photographie trahit en partie. C'est là un splendide morceau d'art qui vous fait le plus grand honneur et qui, je l'espère, vous portera bonheur... » * Le 31 août 1875, les habitants de la petite ville de Monteux en Vaucluse célébraient le deuxième centenaire de leur compatriote Micoulau Saboly, prêtre et organiste de l'église collégiale de Saint- Pierre d'Avignon, auteur de Noëls populaires en langue proven- çale. Cette fête avait été organisée par les Félibres, reconnaissants à Saboly d'avoir, pour ainsi dire, sauvé leur langue maternelle.