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332 LA R E V U E L Y O N N A I S E Paris, et tâchera d'abord de vous faire avoir un travail conve- nable. Il a de plus d'excellentes relations aux Beaux-Arts... Il faut donc espérer de tout cœur. Ce qui vous manque, ce sont des relations. Nous vous en ferons peu à peu. De la fierté, oui, mais pas trop de sauvagerie, et vous arriverez par la force des choses. Les hommes comme vous ne se comptent pas à la douzaine, et on finira bien par avoir besoin de vous. » * Voilà une belle et noble lettre, pleine d'âme et de bonté ! Quel bel article il y aurait à écrire sur le rôle et l'influence de Mistral dans l'art contemporain ! Il ne s'est pas retiré sur l'Olympe, dans une inaccessible et commode immortalité. Le rôle que Goethe a tenu de 1800 à 1830 en Allemagne, c'est Mistral qui l'a pris et qui l'exerce actuellement avec une paternelle et sereine autorité ; c'est Mistral qui dirige le grand mouvement de renaissance de la langue d'oc; c'est lui qui annonce au monde littéraire la naissance des poètes nouveaux; c'est lui qui les soutient par des encourage- ments d'ami sincère, par des conseils pratiques, non dépourvus de sages critiques ; c'est lui qui paie toujours et partout de sa per- sonne. Quand il parle poésie, on sent que son cœur vibre et brûle comme le cœur de Roméo parlant de Juliette, de Vincent parlant de Mireille. Ce grand rôle de Mistral a été admirablement mis en lumière par la brillante étude de M. Paul Mariéton, publiée dans la Revue du Monde latin de décembre 1883. Un extrait est bien à sa place dans une revue félibréenne. II est, certes, l'un des plus grands parmi les poètes du siècle — et de bien des siècles aussi! —Et je ne pense pas trouver un seul de ses admirateurs légitimes, j'entends de ceux qui l'ont lu dans son couvre, pour contredire ce jugement *. 1 Certaines gens ne me pardonnent pas le « grandissement » sous lequel je pré • senterais les hommes du félibrige, tant et si peu connus : outre que je fais œuvre de vulgarisation littéraire,sans plus haut prétendre,je suis de ceux qui soutiennent, après Th. Gautier, qu'il vaut mieux apprendre à la foule l'admiration que le dénigrement.