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316                        LA R E V U E     LYONNAISE

et comment, à elle seule, elle répara les fautes de nos généraux; elle nous enseigne
ce que peut l'art do négocier pour le salut d'un peuple, non seulement quand le
négociateur est habile, mais surtout lorsqu'il est honnête, ferme, infatigable,
persévérant. Le marquis de Torcy était tout cela : il avait plus que des vues
élevées, plus qu'un sens exact des besoins et des intérêts de la France, il avait
une indomptable fidélité à son souverain, une foi entière aux destinées comme au
génie de son peuple ; il sauva l'un et l'autre par sa ténacité non moins que par
sa prudence, autant par son esprit de suite que par son soin de ne négliger ni un
humble serviteur ni la moindre des occasions.
   M. Frédéric Masson s'est épris de son sujet, et il n'a pas tort : nous en con-
naissons peu qui prouve mieux le ressort et l'énergie de notre vieille race. Il
s'est également épris de Torcy lui-même, qu'il proclame le plus grand des secré-
taires d'Etat de Louis XIV, et il a raison, car dans les premières années du dix-
huitième siècle, Torcy et Pontchartrain sont les deux figures, sinon les plu s
brillantes, du moins les plus pures de toutes celles que l'on rencontre dans les
conseils du Iïoi-Soleil dont les rayons affaiblis étonnaient encore l'Europe. Pour-
quoi veut il nous faire de cet habile et correct négociateur un janséniste, presque
un réformé? Est-ce pour le grandir, est-ce pour l'abaisser? Ni l'un ni l'autre
peut-être ; mais Torcy ne méritait aucun de ces noms : ses vét itables ancêtres
ne sont ni Calvin, ni Saint Gyran, pas même les Arnault dont il ne se rapprochait
que par sa femme, ce sont plutôt les Suger, les Joinville, les Jeannin, et aussi les
Bossuet, dont il a toute l'orthodoxie monarchique et religieuse.
                                                               HENRI BEAUNE.



      HISTOIRE G É N É R A L E DES É M I G R É S PENDANT L A RÉVOLUTION
        FRANÇAISE, par M. FOBNEBON. — Paris, Pion et Nourrit, 188'*, 2 vol. in-8.
       — Prix : 15 francs.

   On formerait une nombreuse bibliothèque avec tout ce qui a été écrit déjà sur
la Révolution française, tant ce sujet est vaste et peut être traité do diverses
manières. Tout n'a pas été cependant dit encore sur cette douloureuse époque
de notre histoire qui vit sombrer la grande et brillante société de nos pères et
émerger un monde nouveau sur lequel, si Dieu ne les détourne, viendront fondre,
et avant peu, de nouvelles et sanglantes calamités. Un habile écrivain, l'auteur de
l'Histoire de Philippe II et des Ducs de Guise, M. Forneron, s'est donc attaché
à refaire une page, bien incomplète jusqu'à présent, de cette lamentable époque-
celle de l'émigration. « On a oublié jusqu'ici, dit-il avec raison, de peindre cette
grande colonie d'exilés variant ses peines de la diversité des climats. Les docu-
ments se pei'dent, la tradition s'efface, d'autres maux, peut-être, vont faire oublier
ceux qu'a produits cette catastrophe. Le vieux monde a disparu pour jamais, on
ne connaît pas son agonie, les cris de douleur ont été étouffés. » Toutefois)
M. Forneron n'aborde son sujet qu'après une excellente esquisse des événements
accomplis depuis le premier jour de la Révolution jusqu'à l'heure néfaste, où
» élite do la nation se vit dans la cruelle nécessité d'aller chercher sur la terre
étrangère la sécurité qu'elle no trouvait plus on Franco. Dans cette esquisse, se
rencontrent des pages des plus vraies sur l'esprit, les mœurs, les habitudes, le s
vertus et les vices du vieux monde qne la philosophie dissolvante des sectaire s
d'alors avait empoisonné, comme les sectaires do nos jours empoisonnent le