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                  BIBLIOGRAPHIE

     JOURNAL [MÉDIT DE JEAN-BAPTISTE COLBERT, marquis de Tony, de 1709 à 1711
       publié par FRÉDÉRIC MASSON*. — Paris, Pion, Nourrit et G*, 1884, 1 vol. in-8.

   Malgré les recherches des fureteurs de bibliothèques et d'archives, il reste
donc encore de l'inédit, cette passion, cette folie des historiens modernes! Nous
n'en faisons pas fi, tant s'en faut, mais encore est-il permis de souhaiter que ce
inédit nous apprenne quelque chose, et qu'il ne se borne pas à ressasser sous
une autre forme ce que nous connaissions déjà. C'est la qualité qui distingue,
entre beaucoup d'autres, la publication nouvelle de M. Frédéric Masson, un érudit
familier avec toutes les grandes collections publiques ou privées de l'Angleterre,
un savant devant lequel s'ouvrent les portes des trésors littéraires les mieux
défendus de la jalouse Albion. Le journal du marquis de Torcy, scrétaire d'Etat
des affaires étrangères en France pendant les années 1709 à 1711, avait jus-
qu'ici échappé aux investigations dos curieux : un amateur anglais, M. Morris-
son, le conservait intact, sous sa reliure de maroquin citron doublée de soie ej
d'or, et fermée par une serrure artistement ciselée. C'était l'autographe lui-
même du ministre de Louis XIV, écrit au jour le jour, à l'issue des séances
du Conseil, où se délibérèrent toutes les mesures de salut public qui arrachèrent
en 1710 la France du grand roi aux étreintes de l'Europe coalisée. C'était le
témoin authentique, irrécusable des angoisses et du patriotisme du ministre vigi-
lant et éclairé aux efforts duquel nous devons la conservation de notre intégrité
nationale à cette époque et la paix d'Utrecht de 1713. Rien n'était mieux fait
pour éveiller l'intérêt do M. Frédéric Masson, ni pour le déterminer à reproduire
ce journal demeuré inconnu, dont peut-être nous retrouverons plus tard la pre-
mière partie. M. Masson vient donc de le publier avec des notes qui en accrois-
sent encore la valeur, et l'on peut dire que jamais publication historique n'a été
plus opportune.
   Elle venge en effet Louis XIV des accusations imméritées et ingrates qui
ont été dirigées récemment contre l'égoïsme prétendu des dernières années de
son existence ; elle venge le plus honnête et le plus désintéressé de ses ministres,
le plus laborieux de ses hommes d'État de l'incompréhensible oubli dans lequel
le laissa la Régence d'abord, la postérité ensuite. Elle nous montre la France
épuisée, haletante, mise presque au ban des nations, à la veille d'une mutilation
suprême, mais son roi au-dessus de sa fortune; elle nous apprend comment la
diplomatie parvint à conjurer les effets des désastres de Ramillies et d'Hochstett