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242 LA REVUE LYONNAISE chises, les lods et ventes, et je ne dois pas le centième denier ! M. de Brosses, il serait fort utile que je fusse lieutenant des chasses! M. de Brosses, un peu de bois de chauffage! Il affecte d'avoir été dupe, mais d'être désintéressé et sera bon prince. Votre château est une masure, votre sol est ruiné : cela m'est égal; je ne suis pas à cela près pour vivre, et je fais le bien pour lui-même. « Il faut se remuer, se trémousser, agir, parler et l'emporter. » Le mot est dit, voilà sa devise. Le président cède d'abord ; il y va de bonne grâce, car il n'a pas encore appris à ses dépens que le commencement de la sagesse est la crainte de Voltaire. Il répond ensuite froidement, puis il garde le silence. Enfin, il s'im- patiente : passe encore pour ses intérêts, mais il tient avant tout à son repos. Les hommes d'esprit avaient tous alors plus ou moins des nerfs. M. de Brosses charge le châtelain royal du pays de Gex, M. Girod (un ancêtre de M. Girod de l'Ain), de faire entendre raison à Vol- taire et de dresser, pour éviter toutes difficultés, un état des lieux. Tourney n'a été loué que pour posséder un hôte illustre, avec lequel on puisse entretenir des relations agréables. Personne ne songe à l'inquiéter; mais il doit, à son tour, ne fatiguer personne. Est-il vrai que les réparations, dont le philosophe fait un si grand état, se réduisent à quelques pierres enlevées des prés, et à beaucoup de dégâts commis dans la forêt? Comment se fait-il, enfin, qu'une terre affermée 3,300 livres ne rapporte, d'aprèslui, que des ronces et un peu d'avoine ? Cette dernière chicane n'avait rien de fondé : « Je ne suis pas mécontent delà masure de Tourney », écrivait Voltaire à Mm° de Fontaine, en 1757, et il donnait en même temps le secret de ses gé- missements à d'Argental : « Je me plains toujours, selon l'usage; mais, dans le fond, je suis fort aise. » Pour couvrir ses abus de jouissance, il propose alors au président d'acheter tout à fait, moyennant 145,000 livres, sa terre qu'il trouve avantageuse. L'affaire allait se conclure, lorsqu'un incident vint mettre le feu aux poudres. En amodiant Tourney à Voltaire, M. de Brosses avait eu soin de lui faire connaître que, l'année précédente, ilavaitvendu une coupe de bois à un sieur Baudy, et il avait été convenu que tous les arbres