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236 LA RKVUR LYONNAISE nous allons en secret y tremper nos armes ; demandez -le au nouvel académicien, M. Edmond About, qui ne s'est pas plus gêné pour piller Voltaire que Paul-Louis Courier : la vertu y est encore, mais le bras manque, le nerf faiblit, telum imbelle; et notre copie, court vêtue, mal déguisée, ne rappelle guère son modèle que comme un cicérone d'Italie rappelle Cicéron. Outre ce style si vif, si varié, cette phrase si preste, mais si simple qu'elle fente l'imitation sans jamais la souffrir, la corres- pondance de Voltaire a un autre mérite moins commun qu'on pense : elle peint l'homme tel qu'il était, non tel qu'il aurait pu désirer se montrer. Un saint innommé (par une excellente raison sans doute, c'est qu'il n'a jamais vécu) avait, dit-on, laissé cent mille écns pour servir au procès de sa canonisation. Voltaire, qui n'était pas un saint, n'a point laissé sa correspondance pour arriver à la gloire. Il l'a semée au hasard, à l'occasion, à l'imprévu, et en flattant sans cesse ses correspondants couronnés ou autres, il n'a pas cherché à se flatter lui-même. Nulle part cette figure passionnée et mobile ne s'est photographiée avec plus de franchise et plus de désinvolture. Ce n'est pas qu'il aille jusqu'à s'oublier; sa louange reflète vers le lieu d'où elle part, mais il ne prend pas le temps de se composer, comme l'acteur, un visage. Il n'a pas cru que ses let- tres, surprisesunjouraufond d'un portefeuille discret,deviendraient pour la postérité le monument sinon le plus éclatant, au moins le plus durable de sa renommée. Il ne l'a pas cru, malgré son amour- propre d'auteur, ou plutôt à cause de cet amour-propre. Ces perles fines étaient la monnaie courante de son esprit, et il la jetait à tout venant, sans compter- On le trouve là sans souci du qu'en dira-t- on, avec toute sa pétulance et aussi ses indécentes plaisanteries, ses grotesques travers. Le Voltaire de convention, tel que l'avait fait l'apothéose, le Voltaire idéalisé, le Voltaire équestre, si l'on veut mepermettre cette expression, redevient le vrai Voltaire, c'est- à -dire l'écrivain délicieux, mais l'homme remuant, l'esprit insul- teur, sans dignité ni bonne foi. On ne raille pas comme lui, mais on ne sait pas aussi mentir comme lui. Il a le trait, et avec quelle habileté il sait lui faire sa place ! Cet art est si grand, il est si spon- tané qu'on ne le sent pas : c'est la nature qui semble parler. Comme il est souple,aisé, ironique, amusant! Maisaussi quelles misérables