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134                  LA REVUE LYONNAISE
   Enfin le valet de chambre de l'évêque de Troyes, mon grand-
oncle, brave homme, qu'on appelait M. Simon, vint mépren-
dre pour me conduire chez l'évêque, et j'en fus reçu par ces
mots, qui n'étaient, au reste, qu'une plaisanterie, mais que, par la
suite, il répétait chaque fois que quelques vicissitudes me rame-
naient sous son égide : « Ah ! ça ! que vais-je donc faire de ce petit
gueux? » Il logeait encore rue du Bac; mais non plus à l'hôtel de
Galiffet devenu le ministère des relations extérieures ; il occupait
le premier d'un autre hôtel plus petit, situé en face des Missions
Etrangères. Deux ecclésiastiques, qui y demeuraient (je ne m'ex-
plique pas par quel privilège dans ce temps de Terreur), les abbés
Lemoine et Praire, qu'il consultait dans toutes les occasions im-
portantes, furent appelés au conseil immédiatement, pour délibérer,
en effet, sur le petit gueux. Ils indiquèrent une pension, à Passy,
 chez un nommé Gandon, qu'ils représentèrent comme bien pensant;
 c'était déjà le terme convenu, parmi les royalistes, pour témoi-
 gner qu'on était de la même opinion qu'eux. Sa pension était com-
 posée, pour la plupart, déjeunes gens de bonnes familles. La déci-
 sion fut bientôt prise. Toutefois l'évêque me garda encore pendant
 une quinzaine de jours, pour que la transition ne fut pas trop rude.
 J'appris alors que mon oncle, frère de mon père, qui m'avait ac-
 cueilli le premier à mon retour d'Allemagne, était en prison aux
 Madelonnettes. Le double logement, dont j'ai déjà parlé, en fut la
 cause. Les voisins de l'appartement de la rue Taitbout, qui était
 gardé par son valet de chambre, s'avisèrent de remarquer qu'il était
 bien considérable pour un homme de cette condition ; et, sans en-
 trer dans aucune explication, ils commencèrent par l'arrêter. Mon
 oncle, qui était le meilleur cœur du monde, s'alarma de voir son
 domestique compromis pour lui, et de premier mouvement, alla le
 réclamer à la section. Pour toute réponse, on l'arrêta lui-même.
 Il est à croire que. s'il eût un peu patienté, le valet de chambre eut
 pu, par la protection des gens de son état, trouver quelque répon-
. dant auprès des autorités du quartier, et qu'on l'eût relâché comme
 cela arrivait quelquefois ; mais qui pourrait blâmer son maître de
  ce premier mouvement ? Je fus très affligé à cette nouvelle, et de-
  mandai si je ne pouvais pas aller voir mon oncle dans sa prison.Mais
  on ne le jugeapas prudent, et malheureusement, onavait raison.