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SOUVENIRS DU COMTE ARMAND DK S A I N T - P R I E S T 133 de sorte que ce devait être un soulagement pour lui que de pouvoir se livrer à ses anciens et véritables sentiments. Il avait été prieur d'une maison religieuse à Paris : Sainte-Opportune, située sur une • petite place au milieu du labyrinthe de rues et de ruelles qui rem- plissaient l'espace entre Saint-Germain-l'Auxerrois et l'Hôtel- de-Ville. Il avait une gouvernante, M"0 Aimée, aux soins de la- quelle je fus confié et qui me prit en amitié. C'était une fort bonne fille, et cependant sa principale récréation était de se rendre assez régulièrement, les après-dîners, à l'extrémité de la rue Dauphine, ou même jusqu'au Pont-au-Change, pour voir passer la charrette qui conduisait les victimes de la Révolution, de la Con- ciergerie à l'échafaud ! Elle y vit conduire ainsi la trop fameuse madame du Barry, et, au retour, elle ne tarissait pas à nous faire le récit, pendant toute la soirée et les jours suivants, de ses beaux cheveux cendrés, de son abattement, et autres détails pathétiques. Le sort de cette femme, sortie de la lie du peuple, devait, plus que celui de tout autre, frapper l'imagination de personnes de la classe de M"c Aimée. Je crois bien que je passai deux mois dans cette retraite, où il m'était interdit de me montrer, même sur la porte cochère. J'avais à la vérité, à ma disposition, un jardin où je causais avec l'abbé Ménier, prêtre insermenté, auqueU'abbé B... avait la générosité, quoique assermenté, de donner asile chez lui ; malgré la terreur que lui inspirait le danger auquel il s'exposait. Comme moi, il n'a- vait d'autre récréation que d'y entendre chanter les oiseaux. Ce jardin était fort triste et humide ; enclavé qu'il était dans les hau- tes murailles des constructions voisines. C'est sur ce point que s'ouvre aujourd'hui le passage Dauphine. La maison avait été cons- truite par Henri IV, le créateur de ce quartier, au bout du Pont- Neuf, pour sa maîtresse Gabrielle d'Estrées. On y voyait encore alors sa chapelle ornée de peintures ; singulier mélange dans les mœurs de ce temps-là . J'étais donc fort oisif; car personne ne songeait guère a s'occuper démon instruction. On avait assez à faire de préserver sa vie. Pourtant l'abbé Ménier me faisait répéter de temps h autre, un p*eu de catéchisme ; mais c'était bientôt fait, et faute d'occupation et de distraction je restais longtemps au lit. FBVHIER 1884. — T. VU- 9