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110                  LA REVUE LYONNAISE
dans une phraséologie brillante et vague, s'était développé dans
des proportions excessives, et je n'hésite pas aie dire, funestes, il
ne s'ensuit pas que la réaction salutaire qui a succédé à cette
sorte de débauche doive nous entraîner dans l'excès opposé.
   Obliger la science à ne faire jamais de halte pour résumer au
moins provisoirement son acquit, c'est la condamner à périr à bref
délai sous le fardeau toujours grossissant de ses trésors inutiles ;
de même que lui interdire tout commerce avec l'imagination, c'est
la rendre à jamais inféconde. Les assembleurs de faits préparent
les progrès de la science, soit ! Mais ils ne les réalisent pas. Qu'on
cite une seule découverte où, abstraction faite du hasard, la géné-
ralisation et l'hypothèse n'ont pas eu la part décisive. S'il est de-
venu banal de parler des conquêtes scientifiques, la fortune du
mot ne prouve.que mieux la réalité de la chose. Or, pour conqué-
rir, il faut ambitionner, et je ne renferme pas tout le rôle et toute
l'ambition du savant dans la devise que Voltaire donnait à l'abbé
Trublet : Compiler, compiler, compiler. Il lui faut encore au^re
chose pour empiéter sur l'inconnu et ajouter au patrimoine commun ;
il lui faut la patience sans doute et le labeur, mais il lui faut
surtout cette flamme qui le distingue du pédant et qui fait de lui à
l'occasion un artiste, un poète, un trouveur !
   Nous voilà loin du sujet que nous avons en vue. Abordons-le
sans autre transition qu'en revendiquant en ce qui le concerne
l'usage des instruments essentiels du progrès scientifique dont il
vient d'être parlé, et surtout sans autre prétention que celle de les
employer aux fins les plus modestes.
   Toute étude d'ensemble sur le développement du langage en
général, ou d'une langue en particulier, suppose la connaissance
préalable des causes générales sous l'influence desquelles a lieu ce
développement. Elle suppose aussi la délimitation réciproque du
domaine où elles s'exercent et la distinction des phénomènes par-
ticuliers auxquelles elles donnent naissance. Rien de plus naturel
et, de plus nécessaire donc que de commencer nos leçons sur la
grammaire historique du grec et du latin en essayant de définir
la nature et le.rôle des facteurs des formes du langage.
   Nous nous occuperons d'abord de celui dont les effets sont les
plus visibles et les plus faciles à déterminer, je veux dire de Yana-