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PÉLIBRIGE 75 Pour retourner, le chemin fut long. II en fit des Aie! Aie! Cependant, clopin- clopant, il arrive à la maison où sa mère, en le voyant ainsi, lui crie : — Je te l'avais bien dit, que cela t'arriverait, têtu, qui ne veut faire qu'à ta tête! Et, pour toute semonce, la pauvre mère court vite lui faire bouillir de l'écorce de sureau. Mais lorsque son frère le vit ainsi tout brûlé : — 0 grand maladroit de flemard ! lui dit-il, tu n'auras donc jamais de biais?... Ne pas savoir garder des lapins !... Tu n'as pas honte, à ton âge... J'irai, moi et tu verras. La pauvre mère eut beau prier, pleurer, supplier, le jeune garçon l'avait dit, il partit. Vous saurez donc qu'avec l'aube riante, le lendemain, le jeune fils do Mour- guete, moitié gai et moitié pensif, trottait sur le chemin poussiéreux. Au bout d'un certain parcours, il rencontre aussi un homme avec une femme qui demandaient leur pain. La femme lui demande : — Un morceau de pain, au nom de Dieu. H y a trois jours que je n'ai rien mangé. Je n'en puis plus et meurs d'inanition, ayez pitié de moi. —• Hélas ! pauvres gens, répond le garçon, nous sommes aux grands jours, le chemin est long; mais tenez, voilà mes provisions, et quoiqu'elles soient petites, bon bien vous fasse... moi, j'attendrai ; ce soir, ie souperai mieux, car où je vais il ne fait pas froid-et assurément la table sera bonne. — E h ! où vas-tu? lui dit l'homme, qui s'était un peu rassasié. — Je vais garder les lapins de monsieur Sire. Mon frère y était allé et n'ayant pas su faire, j e lui ai dit qu'il était maladroit, quo j'irais à mon tour et qu'il verrait. Gela me donne assez de souci, que voulez-vous? J'ai peut-être eu la langue trop longue, mais c'est ainsi et j ' y vais, arrivera ce que le bon Dieu voudra. Pèr s'entourna, lou camin sieguè long; n'en faguè de ai e de houi. Pamens, balin balan arrivo à l'oustau. Sa maire en lou vesènt rampous ie fai : — - Te l'aviéu bèn di qu'acô t'arrivarié, testard, que voulès jamai croire que vosto tèsto; E pèr touto semounço, la bono maire cour vite ie faire bouli de rusco de sambu. Mai quand soun fraire lou vai vèire ansin tout besuscla : — O grand sang-fîa-mouriguè-rege I n'auras doune jamai ni biais ni biasso? Pas saupre garda de lapin! as pas erento, a toun âge! l'anarai, iéu te veiras. La pauro maire aguè bèu prega, ploura, suplica, lou jouine l'aguè di : pratiguè. Saubrés dounc qu'emé l'aubo risouleto, l'endeman, lou jouine de Mingueto, mita galoi e mita pensatiéu, troutavo sus lou camin pôussous. Au bout d'uno estirado, rcseonlro tourna-mai un ome em'uno femo que demandavon soun pan. La femo ie demando : — Un tros de pan, au noum de Dieu ; i'a très jour qu'ai rèn manja, n'en pode plus, more d'anequeli; agnês pieta de iéu. — Peoaire, pà uri gènt, faguè lou drôle, sian i grand jour, lou camin es long, mai, tenès vaqui ma biasso : e s'es piebouneto, bon bèn vous fague, iéu esperarai. Aniue souparai. miéus, car mounte vau ie fai pas fre, e de-segur la taulo sara bono. — Eh ! mounte vas? ie faguè l'orne que s'éro un brlèu rassasia. — Vau garda li lapin de Moussu Sire. Moun fraire i'èro ana, n'avié pas sachu faire, j ' a i di qu'éro un sensbiais, qne i'anariéu, e que veirié. Acô me doano proun de tablaturo, que voulès; ai belèu agu la lengo trop longo, mai acô 's ansin, e ie vau ; arrivara ço que lou bon Dieu voudra.