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70                      LA REVUE LYONNAISE
Aquéu jour sus l'auto mountagno        jour-là, sur la haute montagne, —
                                       S'en vient chasser le roi d'Espagne.
S'en-vèn cassa lou rèi d'Espagno.

Porto sus lou poung un ratié,             Il porte au poing uu épervier, —
                                       Il chasse lièvres et sangliers. — Mais
Casso la lèbre e lou senglié.          voici que son cheval bronche — Et
Mai vaqui que soun chivau brouncho     Qu'il tombe tête première.
Epatafloùde tèsto-pouncho.

Soun sang n'en briho au clar souleù,     Du coup son sang brille au clair
                                       soleil, — Rougissant rochers et man-
Rougis la roco e lou mantèu.           teau. — Le roi a perdu connaissance,
Lou rèi a perdu couneissènço,          — Et demeure sans secours.
E de secour s'atrovo sènso.

Janeto d'aqui n'a passa,                 Jeannette par là vient à passer, —
                                       A vu le roi tout meurtri. - Elle le
                                                                  —
A vist lou rèi tout matrassa.          prend dans ses bras et l'emporte —
Lou pren dins si bras e l'emporto      Sur un monceau de feuilles mortes.
Sus un mouloun de fueio morto.

Time l'aigo fresco dôu pous,             Avec l'eau froide du puits, — Elle
                                       lave son front saignant, — Elle y
lé lavo bèn soun front saunous.        met des feuilles de sorbier — Qu'elle
lé mes de fueio d'esparbiero           attache de sa jarretière.
Qu'estaco eme sa jaretiero.

Tant-léu lou sang n'a plus coula,        Aussitôt le sang n'a plus coulé, —
                                       Et le roi tout ragaillardi, — Sur les
E lou rèi tout reviscoula,             deux joues de Jeannette — A posé un
Sus li dos gauto de Janeto,            doux baiser.
A pausa douço poutouneto.
Mai peralin, un gros pastras             Mais par là bas, un grossier pâtre.
                                       — En croasse comme un corbeau. —•
N'en bramo coumo un courpatas.         Le foue t en l'air, il crie : Gueusarde
Lou fouit en l'èr, ié fa : Gusasso!    — Je t'attends ce soir à la bergerie! »
Vendras, aquestvèspre, à la jasso !

— Jésus, moun Dieu! es moun mari !       — Jésusmon Dieu ! c'est mon mari1.
                                       — Il veut, je crois, me faire mourir,
Bessai, me vôu faire niouri :          — Depuis troisjours seulement je
l'a que très jour que m'a 'spousado,   suis sa femme — Et il m'a donné
                                       quatre fouettées!
E m'a baia quatre fouitado !

— E tu, quant i 'as fa de poutoun        — Et toi, combien lui as-tu fait de
                                       baisers, — A ce vilain museau de
A-n'aquèu moure de menoun ?
                                       bouc? — Mon beau Seigneur, à ses
— Moun beù segnour, à soun baisage     caresses— Je préfère encore les coups
Préfère enoaro lou fouitage !          de fouet.

Alor lou roi sono dôu cor.                Alors le roi sonne du cor — Et
Quand soun vengu si gènt de cors.       quand ses gens sont venus, — 11 fait
                                        monter Jeannette en croupe • Et
                                                                      —
A fa mounta Janeto en croupo,           sitôt part avec son escorte
E s'en-part lèu emé sa troupo.