page suivante »
22 LA R E V U E LYONNAISE à acquérir, en Suède, où mes parents se rendirent d'Angleterre, une maison de campagne au bord du lac Moelar, ou plutôt une chaumière modestement ornée qui lui offrit, pendant toute l'émi- gration, une retraite à la fois saine et douce; et quant à sa garde-robe, les belles étoffes qu'elle emporta lui furent d'une grande ressource pour paraître, à la cour somptueuse de Saint- Pétersbourg, avec plus d'élégance et de convenance que ses moyens ne le lui eussent permis à cette époque. Ayant prononcé le nom de la Suède, il vaut mieux dire, dès à présent, ce qui avait mis mes parents en rapport avec un pays si .éloigné, et les avait décidés à y établir leur séjour pendant la plus grande partie de l'émigration. Des deux frères de ma mère, les comtes de Ludolf, l'aîné avait continué son service à la cour de Naples et avait succédé à son père dans le poste de ministre à Gonstantinople, que lui-même put transmettre plus tard à son fils, lequel l'occupa quelque temps. Le cadet des frères de ma mère, nommé Charles, était entré au service d'Autriche, également dans la diplomatie, et se trouvait, à l'époque de l'émigration, en qualité de ministre de cette puissance à la cour de Suède. Les troubles de France, cependant, ne s'apaisaient pas ; le voyage de Londres, comme voyage de plaisir, touchait à son terme. Comment employer cet été, en attendant qu'on put revenir en France? Ma mère qui n'avait pas revu son frère depuis son en- fance désira lui faire une visite. Cela les rapprochait aussi de Saint-Pétersbourg, où mon père se sentait attiré par le désir de connaître en personne, et d'admirer de près la grande Catherine, qui remplissait le monde de sa renommée, et qu'il avait déjà eu tant d'occasions d'apprécier dans les grandes affaires. Ce double motif décida mes parents. Une fois la résolution prise, l'exécution s'ensuivit bientôt. Un bâtiment se trouvait prêt, tout à propos, à partir pour la Norwège. Ils en profitèrent, et après une courte et heureuse traversée, débarquèrent à Christiania, d'où ils se rendi- rent par terre à Stockolm. Gustave III régnait alors en Suède. Ce prince spirituel, brillant, mais d'une ambition disproportionnée avec sa puissance, s'était formé une cour hospitalière et agréable. 11 fit un accueil des plus