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SOUVENIRS DU COMTE ARMAND DE S A I N T - P R I E S T 21 lors de notre fuite nocturne pour Rambouillet. Pour celui-ci, rj avait été mis en nourrice chez une brave paysanne de Moussaux, village situé aux portes de Paris. Le sort fit qu'il y resta bien du temps au-delà du terme ordinaire, et y fut exposé à un de ces risques auxquels les familles nobles ont été en butte pendant cette terrible révolution ; mais dont on ne pouvait encore, à cette époque, concevoir même l'idée. Des agents du gouvernement vin- rent, à plusieurs reprises, le réclamer pour le mettre aux Enfants Trouvés l Sa brave nourrice sut toujours le soustraire aux recher- ches. Ma mère précéda mon père de deux mois et partit pour l'Angleterre, comme pour un voyage de plaisir. Elle 's'était asso- ciée à la princesse Lichnoski et à la comtesse de Thun, sœur de cglle-ci, grandes dames de Vienne avec lesquelles elle s'était liée pendant leur séjour à Paris. Quant à mon père, il se garda de sortir des barrières en voiture de voyage. Signalé comme il l'était, c'eût été courir à sa perte. Il partit en carrosse à six che- vaux, comme on en avait encore alors, comme pour aller dîner à la campagne. Tant de précautions indispensables semblaient indiquer une conviction profonde du danger de rester en France ; mais, il faut l'avouer, on était loin d'en comprendre encore toute la portée. La plupart ne regardaient l'état actuel que comme une tourmente politique passagère dont l'extrême violence même semblait un indice du peu de durée. Les meilleurs esprits s'y laissaient prendre; mon père lui-même, dont le jugement était si sain et si solide, et les vues en général si nettes, ne croyait pas à la durée de la révolution. Il conseillait à ma mère de ne pas emporter ses diamants, ni sa riche garde-robe; alléguant les soins que cela exigerait en voyage, et le danger d'être volé dans les auberges, etc. Mais celle-ci n'y voulut pas entendre. Soit attachement ordinaire aux femmes pour ce qui tient à leur personne, soit que'par le fait même que, n'étant pas née fran- çaise, elle envisageât la position du pays sans préjugés d'éducation ou d'habitudes, il est certain que, dès le principe, elle ne se fit pas un instant illusion sur les dangers et la durée de la révolution. En conséquence elle prit tout avec elle et ne se sépara de rien qui lui appartînt et qui fût de quelque valeur. Elle eut, plus tard, à s'applaudir de cette précaution. Ses diamants lui servirent