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8 LA REVUE LYONNAISE leur enjoignit de se retirer ; ce qu'ils firent avec assez de confusion. La situation n'en resta pas moins ce qu'elle était, dangereuse et inconvenante ; de sorte que mon père, après un court séjour, demanda et obtint son rappel ; et désormais l'ambassade fut bornée à un simple chargé d'affaires. C'était M. Caillard, qui depuis s'est fait un nom dans la diplomatie. Cette émeute et l'émotion qu'elle occasionna, sont un des plus anciens souvenirs de ma vie. Je vois encore la cour remplie de carrosses dorés venus pour les démarches que j'ai mentionnées ; ce mouvement ne me déplut pas ; il rompait un peu la monotonie de notre genre de vie habituelle. Ce n'était que l'avant-goût de ce qu'il m'était réservé de voir un peu plus tard, sur une plus vaste échelle. Nous quittâmes bientôt la Haye et l'agréable maison que nous y occupions; c'était celle d'un riche juif; un beau jardin au bout duquel se trouvait un pavillon, désigné, dès l'abord, pour être l'habitation de nous autres enfants, en dépendait; ce qui était fait, bien entendu, pour nous séparer des distractions et du luxe de l'hôtel de l'ambassade. Nous quittâmes donc ce pays peu hospitalier, en même temps que mes parents. Je ne sais s'ils répétèrent, in petto, les adieux de Voltaire : « Adieu canaux, canards, etc. » Après un court intervalle mon père fut nommé ministre et se - crétaire d'Etat, mais encore sans portefeuille. Ce fut alors qu'il fit l'acquisition d'une maison située rue du faubourg du Roule, vis-à -vis les écuries du comte d'Artois. Ce quartier n'était pas très habité alors, ce qui donna la facilité à mon père de s'arrondir ; il fit l'acquisition de quelques terrains conti- gus à sa nouvelle propriété. Ce qui avait achevé de déterminer mon père à cette acquisition dans ce quartier assez éloigné, c'était sa proximité de la barrière ; ses fonctions l'obligeant à aller fréquemment à Versailles ; mais il n'en jouit guère, ni sa famille non plus. La Révolution qui ne tarda pas à gronder y mit bon ordre. Quoique ce fut le moins considérable des biens que la révolution enleva à notre famille, c'est le seul* peut-être qui m'ait inspiré du regret ; son souvenir s'allie aux plus agréables de ceux de mon enfance.