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                        SOUVENIRS
                              DU   COMTE




          ARMAND DE SAINT-PRIEST



                       PREMIÈRE PARTIE


    J'avais entrepris, à plusieurs reprises, d'écrire quelques parti-
 cularités de ma vie. Cet ouvrage a été autant de fois interrompu;
 tantôt par quelque événement qui aura détourné mon attention;
 tantôt parce que je me suis aperçu que quelques-unes de mes opi-
 nions s'étaient modifiées, tant sur les faits que sur les personnes.
Aujourd'hui, me trouvant du loisir, ainsi que le besoin de me
distraire d'une série de malheurs, et de ne m'en pas laisser ab-
 sorber, je reprends cette tâche, espérant être sûr qu'elle aboutira
plus que les précédentes. Je me propose d'y faire peu mention de
moi-même, et veux y paraître seulement quand l'à-propos du récit
l'exigera. Il faut pourtant que j'y débute par parler de moi, afin
que l'on sache quel est celui qui parle.
   Je suis né pendant le cours de l'ambassade du comte de Saint-
Priest, mon père, à Constantinople, le 29 septembre 1782. Ma
naissance n'eut pas lieu au palais de France en ville, mais sur le
Bosphore, à Thérapia, où se trouvait le séjour d'été des ambassa-
deurs de France. C'était pendant la nuit. Il faut que mon apparition