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UN LYONNAIS : FRÈMONT 579 Au mois de novembre, après un rude trajet, il arrive au pied d'une des chaînes les plus abruptes delà Sierra qu'il doit traverser; à l'aide d'une longue-vue, il remarque, au haut de cette montagne, une dépression, et le guide, qu'il a pris au Puebla de San-Carlos, lui dit que c'est le col par lequel il faut passer. Avec sa sagacité naturelle et son expérience de voyageur, M. Frémont se refuse d'abord à admettre cette indication, puis finit par céder aux raison- nements de son guide qui se déclare sûr de son fait. La caravane se met en mouvement. Le froid est intense, la pente de la Sierra très escarpée, le sol couvert d'une neige épaisse. Après une longue et pénible journée démarche, les voyageurs atteignent un point où l'on n'aperçoit plus aucune trace de végétation. Là , ils s'arrêtent pour passer la nuit, dans une glaciale température. Le lendemain, ils continuent leur ascension, plus difficile encore, plus dangereuse que celle de la veille. Les mules, employées à frayer un passage à travers les amas de neige, et les hommes qui les dirigent sont épuisés de fatigue dans ce dur travail. Enfin, on parvient à la sommité de la montagne. On réussit à y transporter tous les ba- gages. De là , les pauvres gens promènent de tous côtés leurs regards et ne voient, jusqu'aux dernières extrémités de l'horizon, que des embranchements de montagnes couvertes de neiges, pas un brin d'herbe, pas un signe de vie, çà et là des précipices effrayants, çà et là des barrières de glaces infranchissables et le désert, l'im- mense désert, voilé par un ciel sombre, enseveli sous un mortel linceul. Le guide s'était trompé. Et cette erreur devait avoir un horrible résultat. Tout à coup un orage violent éclate. Des tourbillons de neige s'amassent dans les airs et tombent sur le sol en masses si compactes que les mules ne peuvent plus s'y mouvoir. En même temps, le froid devient si intense que les malheureuses bètes, se serrant l'une contre l'autre, ne peuvent par leur chaleur naturelle résister à son âpreté, et tombent inanimées. Impossible d'aller plus avant. Rétrograder, n'était guère moins difficile, et cependant, il n'y avait pas d'autre parti à prendre. Les malheureux voyageurs redescendirent les montagnes, emportant avec eux les provisions les plus essentielles, et abandonnant leurs bagages. A quelque dis- tance de leur point de départ, ils trouvèrent des rochers sous lesquels