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572 LA R E V U E LYONNAISE gence. Sa mère n'ambitionnait pour lui qu'un modeste emploi de pasteur dans un village. Mais sa nature ardente, impétueuse, pas- sionnée, n'annonçait guère une si pacifique vocation, et un incident fit voir qu'il ne laissait pas aisément maîtriser sa volonté. Au beau milieu de ses études classiques,il s'éprit d'une jeune créole, etalors, adieu le zèle et l'assiduité de l'écolier. Les yeux noirs de la créole l'attiraient, le fascinaient, et lui faisaient oublier les règlements du collège. Ses maîtres, qui avaient de l'affection pour lui, commen- cèrent par lui faire de douces remontrances, puis le rappelèrent un peu plus sévèrement à ses devoirs, puis, enfin, employèrent les menaces. Tous ces moyens ayant échoué, ils furent forcés d'en venir à une mesure de rigueur, ils le bannirent de leur institution. Un. désastre domestique arracha l'imprudent amoureux à un en- traînement qui déjà avait eu pour lui une fâcheuse conséquence, et qui pouvait en avoir de plus graves encore. Son frère et sa sœur moururent subitement. Ces deux morts, qui l'affligèrent profondé- ment, et la vue de sa mère désolée opérèrent en lui une révolution. 11 comprit la gravité delà vie dans le sentiment de son deuil. Avec une mâle résolution, il s'appliqua à des études de mathématiques et de mécanique, pour lesquelles il avait un goût inné, et les poursui- vit si laborieusement ety fit de tels progrès, que lorsqu'en 1833 la République des Etats-Unis arma un bâtiment de guerre pour ex- plorer les côtes de l'Amérique du Sud, il fut admis dans cette expé- dition en qualité de professeur de mathématiques. 11 avait alors vingt ans. Deux ans après, il retournait à Charlestown, avec des certifi- cats de ses supérieurs qui attestaient à la fois, et sa capacité intel- lectuelle, et sa conduite exemplaire. Il se présenta dans le collège d'où ilavait été renvoyé, y subit victorieusement un sérieux exa- men, et eut la joie de rentrer dans la maison de sa mère avec un honorable diplôme de maître es arts. Il réussit également dans un concours ouvert à Baltimore, pour l'enseigneinent des mathéma- tiques dans la marine de l'Etat^Mais cette place de professeur, qu'il conquérait au milieu d'un grand nombre de rivaux, ne satisfaisait pas son besoin d'activité. Il se jeta dans les travaux des chemins de fer, puis entreprit l'exploration des hautes régions du Missouri avec M. Nicollet, encore un Français, et un avocat français, que M. Al. de Humbold a cité comme un homme éminent.