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UN DEJEUNER A ANTIRES 495 11 u comme la Vérité, est décoré du nom de « théâtre ». Le susdit théâtre est desservi, une fois par semaine, par la troupe de Cannes. Derrière l'Hôtel-de-Ville et plus lia ut se dresse la « cathédrale », fondée sur l'emplacement d'un ancien temple de Diane, et, depuis plusieurs siècles, veuve de son èvêque. La façade en est d'un clas- sique honnête; l'intérieur, d'une propreté douteuse. A l'entrée, deux bénitiers en marbre blanc d'un travail assez délicat attirent les regards. Chacun des nombreux autels de la nef et des bas-côtés est surmonté d'un rétable, grande machine en bois déplorablement sculpté et doré. Aux fenêtres de la grande nef, sous la voûte, de pseudo verrières en papier chromolithographie se décollent par places, et pendent lamentablement le long des murs, comme' des loques qu'on aurait mises à sécher. Point d'œuvres d'art. Point de monuments. La « cathédrale » marque le point culminant de la ville, et on en aperçoit de tous côtés le toit sombre serré entre ses pittores- ques tours antiques, sans que du parvis on puisse rien voir, tant elle est soigneusement étranglée par un cercle de hautes maisons. Ce qu'il y a de plus joli à Antibes, c'est le port, en forme de nau- machie romaine, à l'extrémité d'une petite baie nommée anse de Saint-Roch, terminée de l'autre côté par le Fort-Carré, pittores- quement jeté parVauban sur une croupe rocheuse. Il est protégé par un long môle à arcades, œuvre de Vauban aussi, très élevé, arrondi en croissant au-dessus d'un large quai semi-circulaire. Ce port n'est pas aussi encombré que les docks de Londres. Une dou- zaine de caboteurs seulement se balancent sur l'eau, portant des noms de petites villes du golfe de Gênes. Quelques jolis bateaux de plaisance sont en réparation sur le chantier. Du balcon qui entoure le fanal à l'entrée du port, je braque ma lorgnette sur Nice, dont je reconnais maint détail. Le golfe de Nice, le Fort-Carré, la petite baie, la ville en dégringolade, avec son église tout en haut, la mer bleue sous le ciel bleu : tout cela constitue un spectacle charmant dont je m'arrache avec peine pour regagner la station du chemin de fer, au moment où le soleil se fait tout rouge pour jeter un dernier adieu aux hommes, avant de se coucher derrière les hautes mon- tagnes qui masquent l'horizon. FRANÇOIS COLLET.