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                         LES POÈTES LYONNAIS
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temps que le tempérament de l'initiateur pour faire prévaloir son innovation
à lui, — qui n'allait rien moins que naturaliser la poésie. Comme Musset, dans
le Romantisme, il avait été nourri dans le Parnasse pour dédaigner plus tard ses
arrêts. Le vrai poète en effet n'a pas d'école à suivre ; mais l'émulation le fait
parfois se révéler à lui-même...
   Je ne voudrais pas classifler à propos do trois Lyonnais que j'admire et qui
me doivent être également chers. Et puis, Pierre Dupont, le plus spontané de
tous, le plus naturellement poète, est si peu à sa place encore, qu'on ose à peine
le faire figurer dans un jugement littéraire ... à Lyon. On ne voit en lui qu'un
bohème et quand on lui a accordé un certain tempérament, on se croit quitte en-
vers sa mémoire. Il faudra changer tout cela. Je crois bien qu'aujourd'hui, si
bohème qu'ait été Musset, beaucoup de poètes même les plus considérés seraient
flattés d'un rapprochement avec son ombre. Et Béranger lui-même au-dessus
duquel on ne voyait guères que Lamartine et Hugo, vers 1840, Béranger ne se
trompait point en disant à Dupont, devant lui : « Il est poète, plus poète que
moi. » Mais ce qui manquait à l'un, manquait à l'autre et réciproquement. Si
Pierre Dupont avait eu plus de langue et plus d'art, s'il avait surtout compris
que la simplicité peut confiner à la niaiserie, au lieu de -vingt ou trente chefs-
d'œuvre absolus qu'il nous laisse — que restera-t il de Béranger? — il eût été
le Lafontaine de la chanson, c'est-à-dire l'inimitable et le seul.
  Me voilà bien loin de mon sujet. Pierre Dupont qui était un poète de la nature
avait peu le sens artistique, la conception antique, assez cependant pour avoir
commis un sonnet (je le donne comme inédit) qui nous servira de transition
pour revenir à Laprade et à Soulary :

                     EN R E C E V A N T L E S F I G U L I N E S

              Lyon serait encore une cité romaine
              Si j'en crois les sonnets finement ciselés,
              Serrés comme Jes grains des épis dans les blés,
              Et comme eux ondulants sous une douce haleine.
              De Tihulle et Catulle à ton sens révélés
              Par l'intuition de la beauté payenne,
              Les vers passionnés découlent de ta veine,
              Et, sortis de l'écrin, sont diamants ailés.
              Pendant que je cherchais parmi ces Figulines
              Dont un rythme discret trahit les origines,
              La bouche en cœur et l'œil qui mieux nous sourira,
              Ces vierges de la terre aux allures divines
              Grandissant à mes yeux devenaient sybillines
              Et disaient : « Avant peu la figure éclora. »
                                                            19 m a i 1862.

   Victor de Laprade, quoiqu'on dise, ainsi que Soulary et Jean Tisseur, a pour
ancêtre André Chénier. C'est leur poète à tous les trois. Son influence est tem-
pérée par celle de Ballanche, chez Laprade, et au détriment de sa poésie, qu'il
n'a retrouvée large comme aux premiers jours que pour le Livre des           Adieux.
Le poète de Psyché (18 il) n'en reste pas moins le précurseur du            Parnasse
et de là vient peut-être le culte inexpliqué que lui vouait Leconte de Lisle....