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UN SCULPTEUR FÉLIBRE 347 les médaillons, les bustes ou même les statues de ses compatriotes, il pourrait prendre Àmy et Boudouresque pour modèles des caria- tides qui, à l'exemple des géants de Puget, soutiendraient le fronton ; leurs fortes épaules rassureraient sur la solidité du monu- ment. Et tous les deux sont de ces grands cœurs d'élite, dont on di! cheznous, dansleMidi,qu'ilsnefâcheraientpasunpetitenfant. * Toute métaphore mise à parc, Amy nous semble, à cette heure, taillé et préparé par la nature pour une grande œuvre. Son nom lui-même, caressant et doux, éveille l'attention, et appelle la sympathie. Il n'a pas encore pu donner sa mesure, ni déployer toute l'envergure de son talent. Les loisirs, le repos de l'esprit et l'occasion lui ont manqué. Vasari faisait déjà remarquer à son époque que nombre de sculpteurs, après avoirproduit des ouvrages très estimés, se trou- vant fatigués, malades et mal en point, changeaient d'état ou croupissaient dans la misère, l'oisiveté... Plus tard, Voltaire disait : « Il y aura toujours, dans notre na - tion, de ces âmes qui tiendront du Gothet du Arandale; je ne con- nais pour vrais Français que ceux qui aiment les arts et les encou- ragent, » Enfin, Mistral termine ainsi son article sur notre statuaire : « L'art d'animer le bronze et d'imprimer au marbre la beauté hu- maine, est peut-être bien le plus pénible et le plus hasardeux de tous les arts. Les gouvernements qui peuvent seuls le faire vivre devraient donc toujours se pénétrer de ceci : que les hommes de talent élèvent la gloire du pays et qu'il faut à la nature plus d'efforts et plus de temps pour former un sculpteur que pour pro - duirecent mille manœuvres. » Malheureusement, le cri de détresse de ces cent mille manœu- vres semble aujourd'hui couvrir toute autre voix. Certes, il serait barbare de ne pas vouloir les secourir. Mais il ne faudrait pas perdre de vue la cause des artistes ; il ne faudrait pas oublier qu'ils sont nécessaires au développement de la prospérité nationale et que