Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
340                       LA REVUE LYONNAISE
bouche moyenne, la figure ronde et pleine, les cheveux blonds.
Ah! si je savais ton métier, Amy, et si j'avais de l'argile, sous
la main, l'admirable Saboly que je maquetterais ! un capelan
(il était bénéficier et organiste de Saint-Pierre en Avignon, de
1658 à 1675, quand vivaient et resplendissaient Fénelon, Bossuet,
Massillon, etc.). Mais je ne suis pas Amy, et la terre glaise n'a
jamais été pétrie par moi que pour en faire des chicarotl. »
    Ailleurs, Roumanille parle ainsi du noéliste :
    « Inspirez-vous, pour créer notre héros, de l'étude magistrale
que l'ami Frédéric (Mistral) lui a consacrée dans le petit livre
que je vous ai adressé. Ce n'est là ni un Corneille ni un Racine...
mais plutôt... qui nommerai-je? un La Fontaine, mêlé d'un peu
de Molière, le tout très chrétien, empreint de foi naïve ; — un
bonhomrne — très spirituel, au fond, et, au besoin, sarcastique et
 sachant aiguiser une fine èpigramme, mais point méchant. Ses
 noavé sont adorables dans leur simplicité inimitable. C'est le
 poète des pauvres et braves gens, le soûlas des travailleurs, le
 felibre des bons, des humbles et des croyants. Si aimable qu'à
 cette heure, et dans ce siècle de libre-pensée où la foi des réire
 a disparu ou va disparaître, il reste encore l'ami du foyer domes-
 tique, le charmeur des veillées de Calèndo. On le chante encore,
on le chante toujours. Les bibliophiles ne comptent plus les éditions
 de Saboly: elles sont innombrables... »
    Dans une autre lettre datée du 5 août 1875, voici comment
 Roumanille hasarde un projet d'ornement pour la fontaine. Ce
 passage est des plus curieux. Que Roumanille nous pardonne
 d'avoir montré au public ce qu'un critique malin appelait ses
 pensées de derrière la tête !
     « ...Si nous n'avions pas peur des quolibets des esprits forts
 de village, nous exécuterions là une tête d'àne et une tête de bœuf,


  1 Les chiearot rappellent un des jeux les plus fréquents des petits garçons de
Provence. Ils prennent des boules de terre glaise ou même de boue très malléable
qu'ils creusent avec leurs doigts et qu'ils évasent, en ne laissant comme fond qu'une
pellicule fort mince que souvent ils enduisent de salive; puis, ils jettent sur le sol,
de toutes leurs forces, ces boules creuses qui éclatent et produisent une détonation
violente comme des pois fulminants. C'est à qui fera plus de lirait. Ils mettent
comme enjeu des plumes et autres ohjels, constituant la monnaie des écoliers.