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244 LA R E V U E LYONNAISE « Souvenez-vous, Monsieur, des avis prudents que je vous ai ci-devant donnés en conversation, lorsque, me racontant les tra- verses de votre vie, vous ajoutâtes que vous étiez d'un caractère naturellement insolent. Je vous ai donné mon amitié; une marque que je ne l'ai pas retirée, c'est l'avertissement que je vous donne encore de ne jamais écrire dans vos moments d'aliénation d'esprit, pour n'avoir pas à rougir, dans votre bon sens, de ce que vous avez fait pendant votre délire... Venons au fait, car tout ce que vous dites n'y va point... En nous promenant dans la campagne, à Tourney, vous me dites que vous manquiez actuellement de bois de chauffage; à quoi je vous répliquai que vous en trouveriez facile- ment de ceux de ma forêt vers Gh. Baudy. Vous me priâtes de lui en parler, ce que je fis même en votre présence, autant que je m'en souviens, mais certainement d'une manière illimitée, ce qu'on ne fait pas quand il s'agit d'un présent. Je laisse à part la vilité d'un présent de cette espèce, qui ne se fait qu'aux pauvres de la Miséricorde ou à un couvent de capucins. Je vous aurais, à coup sûr, donné comme présent quelques voies de bois de chauffage si vous me les aviez demandées comme telles; mais j'aurais cru vous insulter par une offre de cette espèce. Mais enfin, puisque vous ne le dédaignez pas, je vous le donne, et j'en tiendrai compte à Baudy, en par vous m'envoyant la reconnaissance suivante : « Je soussi- « gnè, François Arouet de Voltaire, chevalier., seigneur deFerney, « gentilhomme ordinaire delà chambre du roi, reconnais que M. de « Brosses, président du parlement, m'a fait présent de... voies de « bois pour mon chauffage, en valeur de 281 francs, dont je le « remercie. » Et il termine par ces mots :« Je vous fais, Monsieur, le souhait « de Perse ; « Mens sema in corpore sano. » Là riposte était vive et le coup de fouet sanglant. L'esprit, celte fois, s'était rangé du côté de la raison. Voltaire n'était plus habitué à rencontrer un contradicteur qui ne se payât point de défaites ou de jeux de mots. Mais M. de Brosses était encore peu connu; son nom éfeait presque ignoré à Paris, et, pour le grand satirique, ba- fouer ce robin de province, c'était pirater au delà de la ligne. «Je