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208 LA R E V U E LYONNAISE qu'elle éprouvait. Le géant blond voulait donc l'épouser, faire d'elle sa femme légitime? Et l'état civil exigeait des papiers. L'épouser? Mais certainement l'épouser ! De quoi donc aurait-il pu s'agir? S'il avait eu d'autres visées, tolére- rait-elle sa présence auprès d'elle, déjeûnerait-elle à ses côtés en simple tête-à -tête, irait-elle se promener avec lui, au risque de se compromettre!!! » Ce dernier trait est charmant. Je ne doute pas que le livre de M. Lindau ne soit lu avec un réel plaisir par tous ceux qui aiment les œuvres intelligemment observées et finement écrites. J'ajouterai qu'il serait à souhaiter qne les autres ouvrages de M. Lindau fussent traduits en notre langue, et qu'ils trouveraient chez nous plus d'un admirateur. GH. LAVENIR. CORRESPONDANCE INEDITE entre le comte d'Agenois, duc d'Aiguillon, le comte de Seiguelay et le cardinal de Polignac sur la Divisibilité de la ma- tière, publiée par M- AP.NOULD LOCARD, de l'Académie de Lyon. — Lyon, 1884, in-8, 80 pages. Si même dans nos grandes bibliothèques publiques bien des trésors littéraires restent encore enfouis et ignorés, combien ne s'en rencontrent-il pas aussi dans les collections particulières dont les possesseurs ne savent pas apprécier le mérite et la valeur, ou attendent toujours au lendemain pour leur donner de la pu • blicité? Du nombre de ces écrits d'un réel intérêt, se trouvait encore naguère celui dont il s'agit ici. Chaque livre a son histoire, celui-ci a aussi la sienne; toutefois on ignore encore le nom de l'érudit qui a eu le soin pieux d'en réunir les élé- ments. Ala fin du siècle dernier, on en trouve le manuscrit dans les mains de Jean d e B r y , ancien procureur dans le Midi, devenu ministre del'Intérieurpendantla Révolution. C'était un homme instruit, lettré ; mais les affaires publiques absorbant tout son temps, il en fit don à M. Locard père, son secrétaire, dont naguère, la Revue Lyonnaise était heureuse de raconter la vie si bien remplie et si utile à son pays ; c'était aussi un ami des livres. En 1833 il montra son manuscrit à M. de Montmerqué qui se le vit refuser, avec regrets, pour la Bibliothèque Nationale. M. Locard père se proposa souvent de le publier, mais ses multiples travaux l'en empêchèrent sans cesse. Son fils, avec le concours de l'Académie, a pu enfin le donner et la science ne peut que lui en savoir gré. Cette correspondance traite de VIndivisibilité de la matière, c'est-à -dire de l'une de ces grandes questions primordiales qui ont eu, de tout temps, le privilège de donner naissance à d'interminables controverses dans le monde des savants et des lettres, et un peu abandonnées aujourd'hui. Mais au dix-huitième siècle, Descartes, Gassendi et surtout Leibnitz s'en occupèrent très activement, et parmi les hommes du monde, il s'en rencontra aussi trois qui prirent une grande part à ces controverses : ce furent le comte d'Agenois, plus tard duc d'Aiguillon, le comte de Seignelay, de la maison de Colbert, et le célèbre cardinal de Polignac. Le problème dont ils cherchèrent ensemble et par une active correspondance, la solution était celui- ci : La matière est-elle susceptible d'être divisée à l'infini, ou bien l'atome, la molécule, la monade, les ultimates assignent-elles une limite finie à cette même matière? Comme il arrive très souvent dans ces sortes de controverses, aucun des contradicteurs no parvint à convaincre son adversaire et chacun se retira de la lutte plus fort, plus persuadé que jamais de son réel bon droit. Je n'ai pas besoin