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                   BIBLIOGRAPHIE

     RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE, par le VICOMTE G. D'AVENEL. —
       Paris, Pion et Cie, 1884, 2 vol. l n - 8 \ Prix : 15 francs.

   On dirait volontiers que de nos jours, pour la plupart des écrivains qui ont la
louable ambition de se faire lire, l'histoire n'est, comme la philosophie, qu'une
suite de thèses et d'antithèses. Chacun a son système qu'il préfère sans doute et
qu'il cherche de son mieux à étayer, non peut-être parce qu'il est le plus vrai, c'est-
à-dire le meilleur, mais parce qu'il est inédit ou, du moins, le plus nouveau. Sans
tenir compte de ce qui l'a précédé, on se fait un plan, une théorie, une opinion ;
on la choisit voyante, c'est-à-dire parmi celles qui attireront le plus facilement
l'oeil souvent blasé ou indifférent du lecteur; puis, on amasse une foule de détails,
de mots piquants, d'épigrammes à effet, de documents épicés ou violents, surtout
ceux qui ont échappé jusqu'à ce jour aux curieux, et de ce patient glanage on
forme une gerbe pressée, surchargée de fleurs et d'épis, mais aussi mélangée de
beaucoup d'ivraie, dont les couleurs sont aussi vives que séduisantes, mais qui ne
donne souvent qu'un aliment malsain, peu propre à la nourriture, quoiqu'il ne
semble pas tout d'abord dépourvu de saveur. En un mot, la lente recherche des
faits, qui est le premier devoir de l'historien, n'est le plus fréquemment qu'un p r é -
texte à l'édification d'un système, quelquefois paradoxal : on estropie, on exagère
les uns pour les loger dans un cadre construit à l'avance; on néglige les autres,
dès qu'ils se refusent à y entrer ou démentent une conclusion déjà arrêtée dans
l'esprit de l'auteur, et de tous les témoins convoqués à l'enquête, on n'entend
que ceux dont le langage doit la confirmer tout entière.
   Cette méthode dangereuse, qui fait de l'histoire un plaidoyer et non un juge-
ment, nous ne voudrions pas dire que M. le vicomte d'Avenel l'a suivie dans son
intéressante étude sur Richelieu et la Monarchie absolue, mais nous ne jurerions
pas que personne ne la lui reprochât. Son style est net, coloré, rapide ; ses tableaux
sont lumineux, quelquefois saisissants, toujours animés ; ses recherches sont aussi
nombreuses que variées, et révèlent une érudition de bon aloi, presque toujours
puisée aux sources ; son livre, enfin, est bien composé et se lit avec autant de
facilité que d'intérêt. Mais n'est-il pas un acte d'accusation passionné plutôt
qu'une impartiale sentence; quelques-uns, assurément trop sévères, diraient
peut-être tout bas un pamphlet ?
  M. d'Avenel ne s'est pas proposé d'écrire l'histoire du règne de Louis XI11, ni