page suivante »
PENSEES 177 « Comprenez-moi, et vous m'aimerez! ... » — « Aimez-moi et vous me comprendrez ! » disent à l'envi l'homme de génie et l'homme de cœur. Aimés par une personne ou par plus d'une, nous prenons si bien cette douceur en habitude, que nous sommes tentés de crier à l'injus- tice, lorsque, dehors, nous choppons contre un ennemi, que dis-je, contre un indifférent. Lénis a une belle vertu, la douceur, et une belle qualité, la dou- ceur. J'aime sa parole qui sourit, j'aime son silence qui écoute. A son regard je m'épanouis comme une fleur au soleil. Grâce à lui, je deviens envieux d'être meilleur, d'être bon. Ma conscience qui me conseille jour et nuit d'épargner, de supporter, de servir autrui, ma conscience lui emprunte des accents si énergiques qu'ils me trans - portent, et si suaves qu'ils me pénètrent. Lénis, votre douceur est un merveilleux exemple. Près de vous, la colère s'apaise, la ven- geance se repent, la discorde s'évanouit, la prévention de l'esprit et l'antipathie du cœur se dissipent. Certes, le talent est un don précieux, la sagesse est un rare trésor; mais vous possédez la douceur, et rien à mes yeux, rien ne vaut ce trésor et ce don, ô Lénis ! J'aime les enthousiastes, les exaltés me font peur. Dilectio, diligentia: parentés de mots, qui devraient être des parentés de choses : « L'amour » qui n'agit point, est-ce un « amour » sincère?...