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164 LA REVUE LYONNAISE Dimanche, 27 mai. Hier soir, une légère brouille a éclaté entre Clairette et moi. Elle s'est fâchée de certaines hardiesses et m'a boudé très fort. Elle s'est montrée charmante avec quelques jeunes gens de la ville qui viennent de temps en temps. Partout le temps est à l'orage. Une petite fille aussi belle que Clairette ne peut pas être absolu- ment mauvaise. Alors qu'on est si belle on doit être si bonne a dit Coppée. Cela est vrai. La beauté physique est incompatible avec la laideur morale. Variante de l'adage: Mens sana in cor- pore sano. Oui, quand on est aussi belle que l'est Clairette, quand on est faite comme ces jeunes déesses que taillait Praxitèle dans les marbres de Paros, dans ces divins marbres pentéliques qui s'épa- nouissent comme de grands lys, on doit avoir quelque chose de bon dans le cœur, quelque chose de tendre et de très pur. Toute cette philosophie me console. Le beau temps est revenu, —-le calme, le ciel d'Orient, un cadre tout fait pour la beauté de Clairette, Ces jours de pluie ont rendu l'air plus transparent et plus léger. Les teintes de toutes choses sont plus vives et plus belles, — les bleus crus des montagnes lointaines, le bleu vif du ciel, les verts des bois qui couvrent les rochers, en haut le velours des sapins, en bas les verts plus pâles des oliviers; — et, dominant le tout, les mornes de pierre se profilent sur le ciel en d'exquises délicatesses. Le soir, un calme tiède dans la montagne, — la pleine lune éclai- • rant les rochers et jouant dans les découpures de la tonnelle Clairette m'a donné mon café, sans parler, et est allée rire plus loin avec des jeunes gens. Je suis resté seul sur le banc vert. Qu'a-t-elle? Et les jours se succèdent dans une désespérante monotonie. 29 mai. Tout le jour, couru la montagne : monté très haut, très haut, dans les nuages, — pour vaincre mon inquiétude vague par la