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CLAIRETTK 161 où miroitent des remous de torrent, partout passent des clartés mystérieuses et je songeaux montagnes mamelonnées, auxHighlands d'Ecosse. Où donc est le Loch Lomond que hantent les blondes fées? Le printemps dans ce pays est chaud et limpide ; toute cette verdure sur les montagnes a des teintes admirables. Aujourd'hui le Palais chôme. C'est jour de repos. J'ai fait les visites officielles : visites banales et mortelles, chez des inconnus qui m'examinent curieusement. C'est dimanche : pas un nuage au ciel, pas un souffle dans les rues étroites et sombres, à la physionomie espagnole. De leurs deux sommets opposés, par-dessus la ville, le tribunal et le vieux château des Barons, massif et carré, se contemplent. — Autour, les grandes montagnes ensoleillées sont silencieuses. Où suis-je au juste ? Quel est bien ce pays? Le soir approche. Les sommets du ïanargues prennent là -haut des teintes d'un rouge sombre, —ensuite d'un violet profond. Puis, tout s'éteint, et on ne voit plus en l'air que de vagues silhouettes aux étonnantes hauteurs. La nuit est venue et je remonte la route le long du torrent, — une route déjà connue où des couples, des familles, lentement se pro- mènent. Je vais vers la montagne, là où la gorge se resserre, ne laissant qu'un étroit espace pour la route et le torrent, entre de hautes et noires murailles de granit, lisses et nues, — on appelle cela les Ranchisses. Je monte, suivant la pente douce delà route, je monte dans l'obscurité de la gorge, et je m'arrête près d'une mai- sonnette isolée, blanche sur un rocher noir, dominant le chemin. C'est une auberge où rarement viennent les indigènes. Là m'attend une petite fille qui laisse tomber ses cheveux noirs sur un élégant costume moderne, pauvre petite héritière de ces pauvres aubergistes, coquette et bien mise pourtant, — Clairette. Sur un banc vert à large dossier courbe, sous l'ombre d'une tonnelle, elle vient s'asseoir auprès de moi, en toute innocence, je crois bien, avec toute la candeur d'une petite montagnarde très naïve. Elle me conte des choses enfantines, d'une voix très douce, et me quitte chaque soir, vers les onze heures, quand le sommeil vient fermer ses grands yeux sombres. Alors, j'allume un cigare, et seul,