page suivante »
114 LA REVUE LYONNAISE 1 grandissante . Quoiqu'il en soit, il est encore plus certain que leur diversité (au moins dans le cercle d'une famille plus ou moins large) est uniquement due au mouvement physiologique. J'entends qu'un suffixe latin eus, par exemple, qui n'a acquis une nuance significative propre que par une attribution tardive, ou a poste- riori, est l'antécédent ou le conséquent naturel de toute la série des suffixes à gutturales du latin, c'est-à -dire de scus, dans les mots comme mariscus, de sco,dans les verbes inchoatifs ou non, comme nosco, disoo, fatisoo, de go, dans certains autres verbes comme navigo, remigo, etc. Et non seulement nous pouvons en dire autant pour les suffixes à dentales et à labiales; mais, étant donnés les nombreux exemples du passage des sons gutturaux dans les deux autres ordres, il nous est permis de supposer une origine commune à tous les suffixes d'une même langue, dont le type primordial s'est métamorphosé indéfiniment par l'évolution naturelle ou physiologique, tant que la grammaire et la littérature n'y ont pas mis de bornes, en fixant pour les yeux et la mémoire les sons que les organes ont une ten- dance constante à modifier. Une autre partie, la plus nombreuse et la plus ancienne du ba- gage naturel des langues, se compose, comme nous l'avons vu, des anciens agrégats qui soutiennent les suffixes, et auxquels on est convenu de donner le nom de racines. Les racines, de même que les suffixes, peuvent être considérées comme formant une immense famille dont les membres les plus proches les uns des autres ont pour caractères extérieurs une double ressemblance phonétique et significative, et, pour raison d'être interne, le mouvement physiologique, ou la vie, qui a mul- tiplié sans cesse les rejetons ou les variantes de l'auteur com- mun. Le sens a généralement subi des variations qui se coordonnent avec celles de la forme. Mais il en a été probablement ici de même que pour les suffixes : les modifications significatives ne sont venues ' Je n'entends pas nier pourtant le rôle primitif de l'agglutination, loin de là ; mais je crois qu'il s'est exercé dans une bien moindre mesure qu'on est généra- lement disposé à l'admettre.