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                               BIBLIOGRAPHIE                                       93
toire des hommes de ce temps, presque tous les publicistes les plus fougueux de
cette époque, ne rougirent pas de tremper leur plume dans cette fange : le tribun
Mirabeau, l'austère Saint-Just écrivirent des ouvrages de ce genre. Maintenant
le commerce s'en faisait librement sous les yeux indulgents d'une police qui avait
pour mission de ne s'opposer à aucun excès de ce genre.
   Les modes changeaient tous les jours : grecques, romaines, turques, elles ne
se ressemblaient que par un trait commun à toutes, leur indécence. Les très
nombreuses gravures représentant les costumes du temps mettront le lecteur à
même de juger des incohérences que l'on y rencontrait. Mieux que n'importe
quelle description, elles l'instruiront sur le sujet. Ces toilettes, on les changeait
à chaque instant; celles qu'on portait dans les réunions de plaisir surtout se fai-
saient remarquer. Tous les spectacles, en effet, tous les lieux où l'on trouvait à
s'amuser, étaient fréquentés : les champs de courses, les boulevards, les théâ-
tres, voire même les fêtes nationales qui remplaçaient piteusement les cérémo-
nies catholiques qu'on avait supprimées. La promenade traditionnelle de Long-
champs avait eu lieu, moins brillante encore, il est vrai, qu'aux derniers temps
de l'ancien régime, alors que les danseuses en renom, la Guimard en tête, y dé-
ployaient toutes les prodigalités luxueuses que pouvait rêver leur imagination,
mais donnant le signal de la renaissance de la haute vie : les voitures, qu'on
n'était plus accoutumé à voir rouler dans le Paris jacobin, avaient reparu. On
sentait revenir la tranquillité, et avec elle la confiance.
    L'Empire, avec son cliquetis d'armes, vint éteindre le tintement joyeux des
 grelots de cette folie qui semblait avoir fait de la Franco entière son domaine. Les
moeurs s'améliorèrent, en apparence au moins : les costumes transparents furent
relégués au vestiaire; tout s'étriqua, l'ameublement fut disgracieux au possible,
la littérature devint banale et adulatrice. Il n'y avait plus de place que pour la
gloire, et, disons-le aussi, à la louange de l'empereur Napoléon, pour la science.
    Il est à peine besoin de dire de quelle indispensable nécessité sont les innom-
brables gravures encadrées dans le texte de cette première partie du volume,
combien elles aident à son intelligence et de quel charme elles sont pour les yeux
du lecteur.
    Avec quelle vérité, avec quelle netteté de ton, ces magnifiques chromolitho-
graphies, dont la maison Didot semble avoir seule le secret, ne présentent-elles
pas à nos regards admirateurs le bal de l'Opéra, le grand salon de Frascati,
une course de chevaux, la tribune de la salle des Maréchaux, la galerie de la
Vénus au Musée Napoléon.
    Je citerai encore, parmi les gravures, au hasard, car il me faudrait louer
partout le mérite de l'exécution, les nombreux dessins des modes du temps, le
portrait de madame Récamier, d'après Gérard, celui de l'impératrice Joséphine,
du même, les jeux de cartes républicanise's, fort curieux, le bal de la Bastille,
les fêtes, etc., etc.
    Dans la seconde partie, consacrée au mouvement intellectuel de la France,
l'illustration n'est pas moins remarquable, les reproductions de tableaux, de sta-
tues, d'objets d'art, y sont nombreuses. On y trouve les portraits des personna-
ges célèbres, les fac-similé d'en-tête, de frontispices de livres, tout, en un mot, ce
qui peut donner une idée juste de ces vingt années.
    Après ce beau volume, M. Lacroix s'arrêtcra-t-il? Le règne de Louis-Phi-
lippe, celui de Napoléon III lui sembleront-ils trop rapprochés de nous pour