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EXCURSION DANS LE MIDI. 247 — Apercevez-vous, dit-il, l'entrée de Marseille du côté de la route poudreuse d'Aix. Là commence une longue rue conduisant de la porte d'Aix à l'angle du Cours et de la Cane- bière, et se prolongeant ensuite jusqu'au port. C'est, comme vous voyez, une espèce de fer à cheval dont la concavité est dessinée par le port, l'un des côtés par les vieux quartiers et le côté restant, ainsi que la section de cercle supérieure , par la nouvelle ville. Celle ligne, dans son ensemble, forme la séparation de qu'on appelle encore la ville basse et la ville haute, Marseille la grecque et Marseille la romaine. La première, au rapport des vieux historiens de la Provence, fut toujours libre, ce qui flatte singulièrement beaucoup d'honnêtes Marseillais ayant, de père en fils, pignon sur rue dans ce cloaque historique. — Les libertés de Marseille, inlerrompis-je, n'étaient-elles pas plutôt commerciales que politiques? — Justement, reprit notre Cicérone. Les Romains eurent grand soin de ne pas toucher à des franchises qu'ils savaient si bien mettre à profil. Marseille élait libre, mais libre sous la protection des Romains, et moyennant sa citadelle pour caution. Le sénat romain trouvait fort commode d'avoir dans son alliée une ville qui s'associait bénévolement aux avan- tages de son commerce, qui l'habillait avec la ponrpre de Tyr, qui approvisionnait ses marchés d'olives, de figues et des raisins d'Auriol, qui fournissait de garum (1) ses cui- sines ; de sardines et de fins anchois la table des Apicius, des Lncullus, et de tant d'autres illustres gourmands. Rome était une république Irop aristocrate pour descendre à des préoccupations mercantiles (2). Sa jalousie prévoyante lui laissait bien voir, d'ailleurs, qu'elle n'avait rien à craindre (i) Le garum était une sorte d'essence faite avec des poissons et fort re- cherchée dans la cuisine romaine. PLINE, liber, 8 i , n° 43. (2) Il y avait à Rome une loi qui défendait aux sénateurs les spéculations commerciales. TUE-LIVE, 21. 63.