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430 HISTOIRE DU CONSULAT préparation du Consulat, qui ne devait pas procéder directement du Comité de salut public. Il ne faut pas, ce semble, trop exiger de ces époques encore violentées des violences dernières, où le pouvoir ne peut se montrer clément sans risquer de paraître faible. Si, avant les Consuls, le bien ne se faisait pas, il était, quelquefois du moins, déjà bien près de se faire. C'est ainsi, par exemple, que dans l'af- faire des émigrés naufragés à Calais, la question avait été résolue plusieurs fois en sens contraire. C'est M. Thiers qui le dit, et cela prouve que si la clémence ne prévalait pas dans les conseils de ce gouvernement, elle y avait du moins voix délibéralive et s'y faisait écouter. L'auteur a le goût de la vérité ; il le montre presque dans les choses peu importantes, et, en même temps, il sait se prêter avec grâce, dans l'occasion, à des récits exacts, sans aucun doute, et qui ont cependant une teinte romanesque. En voici un exemple dans une page curieuse qui se rapporte au passage du Mont St-Bernard : « Il se mit donc en marche (Bonaparte) pour traverser lo col, le 20 (mai), avant le jour. L'aide-de-camp Duroc et son secrétaire de Bourrienne l'accompagnaient. Les arts l'ont dépeint franchissant les neiges des Alpes sur un cheval fougueux. Voici la simple vérité : il gravit le St-Bernard, monté sur un mulet,revêtu de cette enveloppe grise qu'il a toujours portée, conduit par un guide du pays, montrant dans les passages difficiles la distraction d'un esprit occupé ailleurs, entretenant les officiers répandus sur la route, et puis, par intervalles, interrogeant le conducteur qui l'accompagnait, se faisant conter sa vie, ses plaisirs, ses peines, comme un voyageur oisif qui n'a pas mieux à faire. Ce conducteur, qui était tout jeune, lui exposa naïve- ment les particularités de son obscure existence, et, surtout, le cha- grin qu'il éprouvait de ne pouvoir, faute d'un peu d'aisance, épouser l'une des filles de cette vallée. Le I ç r Consul, tantôt l'écoutant, tantôt questionnant les passants dont la montagne était remplie, parvint à l'hospice où les bons religieux le reçurent avec empresse- ment. A peine descendu do sa monture, il écrivit un billet qu'il confia à son guide, en lui recommandant de le remettre exactement à l'ad- ministrateur de l'armée, resté de l'autre côté du St-Bernard. Le soir, 'e jeune homme, retourné à St Pierre, apprit avec surprise quel