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20b' »E L'ÉTAT ACTUEL DE LA PHILOSOPHIE Un savant qui s'est distingué par plusieurs ouvrages de philologie classique, et qui vient seulement d'être nommé professeur de philosophie à l'université de Berlin, a défendu des idées tout analogues à celles de l'auteur dont nous venons de parler. Rappelant le mythe du géant Antée, Gruppe dans ses « Let- tres sur la philosophie spéculative » rend attentif à ce que pour combattre avec succès ce géant il fallait éviter avant tout, de se laisser enlever par lui de dessus de terre. Il croit que pour réfuter la spéculation hégélienne il importe tout autant de ne pas se laisser enlever par elle du terrain où toute notre science apris naissance: savoir du terrain del'observation.Grup- pe s'attache donc à démontrer que la seule manière de bien concevoir la philosophie c'est delà considérer comme empirie. Il s'efforce surtout d'établir la nécessité de ce point de vue par des considérations grammaticales et philologiques. Les ter- mes abstraits ne sont, dit-il avec raison, que des signes qui représentent des idées générales déduites de l'expérience. Nous employons ces signes dans le langage pour parvenir à une concision suffisante, et pour nous exprimer avec plus de rapidité. Prendre ces termes pour des dénominations de réa- lités concrètes, ou croire que d'après ces idées générales on puisse juger de la nature des objets individuels, c'est donc donner dans la plus grande des erreurs. Ce n'est pas en tor- turant des mots qu'on arrive à la science. Pour avoir m é - connu cette vérité, la spéculation actuelle est tombée dans des erreurs inextricables; voulant deviner a priori et déduire des termes abstraits ce qui ne peut être connu que par l'étude des objets concrets et par une observation assidue et scrupu- leuse, elle s'est élancée dans une voie complètement fausse sur laquelle il importe de rebrousser chemin, si tant est que l'on préfère la simple vérité à de brillantes erreurs. Les lettres de Gruppe avaient procédé sans beaucoup de