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158                    EXCURSION DANS LE MIDI.
pourvoira sa sûreté par un déguisement. On a rapporté diverse-
ment cette circonstance. Voici la narration qu'en faisait der-
nièrement un journal de Marseille (1). C'est un petit drame où
le burlesque se mêle au tragique.
    Vernet., courrier de l'Empereur, précédait la voilure pour
commander les relais; il arrive à Orgon, met pied à terrp,
et le premier objet qui frappe sa vue, c'est l'image de sou
maître pendu en effigie ; aussitôt il remonte à cheval, repart
au grand galop, et, au lieu de continuer sa roule en droite
 ligne, revient sur ses pas ; il informe l'Empereur de ce qui
 se passe, l'engage à prendre son cheval, et voilà le grand
Napoléon métamorphosé en courrier. Pour lui, Vernet, il se
 blottit au fond de la voiture impériale à côté du général
 Berlrand, jouant ainsi le rôle d'Empereur au péril de sa vie.
    C'était en effet une situation hien dangereuse, comme vous
 allez voir; on arrive à Orgon, une femme sort des groupes
 hurlants qui attendaient la voiture, s'en approche et crache
 au visage de Vernet. Prompt comme l'éclair, Varnet s'élance
 à la portière, et d'un revers de main rend un vigoureux souf-
 flet qui renverse la femme car terre.
    — Que faites-vous donc? s'écria le général Bertrand, on va
 nous égorger...
    — Est-ce qu'un empereur peut se laisser impunément
cracher au visage ? répond Vernet, et de l'air le plus impassi-
 ble, il commande au cocher de fouetter les chevaux.
     On arrive à l'extrémité d'Orgon à travers des cris de malé-
 diction, et là on reirouve l'Empereur lui-même, descendu de
 cheval et écoulant d'un air inorne les injures les plus dégoû-
  tantes vomies par une femme du peuple, contre Napoléon
 qu'elle ne connaissait pas... En apercevant le général Ber-
  trand et Vernet, Napoléon se tourne vers la femme du peuple
 et lui dit du ton le plus flegmatique : — Cet empereur que
 vous détestez si fort, c'est moi! — Ces mots produisent sur

   (1) Le Sémaphore.